Nimrodi, trafiquant d’armes et magnat de la presse

Si vous vous rendez à Savion, cette petite ville où le m2 est le plus cher d’Israël, la plus belle maison  appartient à Yaacov et Rivka Nimrodi. A quelques minutes de là, une autre bâtisse somptueuse, celle de l’ennemi numéro un de Nimrodi, Noni Moses, le patron du Yedihot, premier groupe de presse du pays et concurrent du Maariv, le journal de Nimrodi.

Selon une indiscrétion d’une amie décoratrice, qui travaille pour les deux magnats de la presse, les Nimrodi et les Moses prennent soin avant de fixer la date d’une soirée mondaine de vérifier que l’autre famille n’a pas arrêté la même date, beaucoup d’invités étant communs, bien que les deux familles ne se parlent à peine.

Non, je ne vais pas seulement vous raconter des potins sur Nimrodi, mais la confidence de mon amie, m’a rappeler qu’il était un des personnages les plus particuliers, les plus attachants d’Israël. 

Agé aujourd’hui de 83,  Yaacov Nimrodi, ans est né en Irak en 1926, dans une famille juive de Badgad. Il a tout juste deux semaines, lorsque ses parents immigrent avec leurs dix enfants en Israël.  Orphelin à l’âge de 14 ans, Nimrodi fait sa première affaire un an plus tard. Avec deux amis – Moshé Sasson et Ytshal Navon, le futur président de l’Etat – il achète au Mufti de Jérusalem,  un entrepôt d’armes qu’il revend ensuite à la Haganah.

Le ton est donné.  Nimrodi, s’engage dans les rangs de la Haganah, puis à Tsahal, après la création de l’Etat. Utilisant sa connaissance parfaite de l’arabe. Nimrodi participe avec succès à des opérations secrétes dans les rangs de l’ennemi et dirige des opérations d’immigration des  communautés juives d’Iran et d’Irak. Ami d’Ariel Sharon et d’autres officiers, qui deviendront dirigeants politiques ou grands patrons, Nimrodi fait donc la guerre en étoffant sérieusement son carnet d’adresse. Au temps du Chah, il est attaché militaire d’Israël à Téhéran et fais ses premiers pas dans le club fermé de l’aristocratie des marchands de canon en décrochant pour les industries israéliennes des contrats de milliards de dollars.

En 1967, Nimrodi  quitte l’armée israélienne et devient en quelques années milliardaire. Il vend des armes, cette fois pour son propre compte.  Il achéte aussi des  systèmes d’irrigation qu’il revend à prix d’or à travers le monde.  Dans les années 80, à la recherche d’une légitimité il investit dans des compagnies d’investissements, d’assurances, de tourisme et de construction.

Le tournant se produit en 1992, avec l’acquisition du deuxième quotidien du pays, le Maariv, qui appartenait alors au magnat de la presse, le britannique Robert Maxwell dont l’empire était en faillite.

Nouvel acteur dans le monde des communications, les accrochages avec les autres groupes se multiplient. A la fin de l’année 90, son fils Ofer Nimrodi est inculpé et condamné à plusieurs mois de prison dans une affaire d’écoutes téléphoniques contre la direction du Yedihot. Aujourd’hui, malgré la crise, la famille Nimrodi reste membre du clan réservé des 100 familles les plus riches d’Israël, avec une fortune personnelle de de 150 – 200 millions d’euros.

Revenons aux potins,  Nimrodi père n’apparait que très peu dans les réceptions de Tel Aviv. Par contre, son fils Ofer, qui dirige aujourd’hui le groupe, fait partie de toutes les fêtes.

 

Jenine Gilboa

 

A la frontière israélo-palestinienne, deux hommes, un israélien et un palestinien lancent un projet dans l’espoir de poser la première pierre d’un  Moyen Orient de la paix.  

 

‘ Des milliers de kilomètres de haine, de sang et de violence nous séparent et pourtant nous sommes voisins, ivres de paix et de normalité ” dit le Palestinien Kadoura Moussa en parlant de son ami israélien Danny Atar. Moussa et Atar sont deux élus et hommes de terrain. Depuis deux ans ils travaillent à la création d’une zone industrielle israélo-palestinienne. Atar est le président du Conseil régional du Gilboa, une région israélienne à la frontière des territoires palestiniens à quelques kilomètres de la ville de Jenine. Mousa est le gouverneur de la région palestinienne de Jenine.

Dans cette zone, les tracés de la ligne verte – ligne de démarcation des territoires conquis par Israël en 1967  –  et de la barrière de sécurité – ligne de retrait acceptée par Israël – sont identiques. Profitant de cette absence de conflit territorial, les deux hommes ont conçu un projet de coopération économique. A l’époque des accords d’Oslo, des projets identiques ont échoué. ” Ces projets étaient trop politiques, explique Moussa.  ‘Notre recette, oublier le conflit et traiter le projet du point de vue de sa rentabilité économique et humaine”

Les partenaires d’Atar et Moussa ne sont donc pas politiques, mais économiques et commerciaux. Les investisseurs sont des hommes d’affaire et des  entreprises israéliens et palestiniens. Des fonds privés et publics des Etats-Unis et d’Europe, essentiellement d’Allemagne ont apporté un financement massif  de quelques 200 millions de dollars. Près de 12,000 emplois seront créés en quelques mois, la plupart pour les Palestiniens, et dans un deuxième temps, pour les Israéliens. La production sera exportée, via les ports israéliens, dans le monde entier. Les gros travaux devraient débuter au printemps 2009 et l’inauguration est prévue pour l’été 2010.

Atar est très prudent sur l’identité des investisseurs, en raison du caractère même du projet. La plupart préfèrent garder l’anonymat. “Je peux vous dire que des entreprises israéliennes, allemandes, espagnoles sont parties prenante. Un chemin de fer et des routes sont aussi en construction. Là aussi, des investisseurs européens et américains sont impliqués. Du coté palestinien, le principal investisseur est  Taoufik Sahouhi, Président de la Banque arabe jordanienne et un des principaux hommes d’affaire palestiniens”.

Dans le conflit israélo-palestinien l’obstacle majeur est le manque de confiance, explique Atar. Chacun est prisonnier de sa rhétorique. Nous avons réussi à créer la confiance sur le terrain, chaque jour, dans le concret, dans les actes. Nous avons laissé de coté les préjugés qui empêchent les hommes politiques de progresser.

Le projet est ambitieux. La création d’une zone industrielle n’est que la première étape. Moussa et Atar ont déjà programmé la création d’un centre médical, d’un centre de logistique le plus important de la région et d’un centre de formation de haut niveau.

Moussa et Atar reconnaissent pourtant que le projet est fragile, ”il suffit d’un attentat de terroristes palestiniens, d’une bavure de l’armée israélienne, pour fragiliser sérieusement l’ensemble du projet.”  Mais ”Jenine Gilboa ” soulève une telle vague d’enthousiasme tant en Israël que dans les Territoires palestiniens, que Moussa et Atar sont persuadés d’avoir trouver un modèle pour passer du conflit à la coopération.

Crédit Photo Yisrael Peretz