Le flutiste sur un char

Israël commémore le Yom HaZikaron. Le Jour du souvenir, une semaine après le “Yom Ha Shoah” et vingt quatre heures avant le début des festivités de l’Indépendance. Dans cette semaine très particulière du calendrier israélien, derrière les chiffres, des histoires dures, émouvantes et tristes. En voici une.

Un des 25578 soldats, soldates, policiers, citoyens victimes du terrorisme, tombés pour qu’Israël puisse vivre s’appelait Yadin Tennenbaum. Né en octobre 1954, Yadin était le descendant, septième génération, de la célèbre dynastie de Zalman Tsoref – Salomon. Ce juif de Lituanie arrivée en terre sainte en 1811 a été un des premiers constructeurs de Jérusalem, l’hôpital Bikour Holim, la synagogue de la Hurba et ces descendants sont au nombre de quelques 20.000 aujourd’hui, dont beaucoup de personnalités connues notamment dans les domaines juridique et industriel.

Yadin était lui musicien. Très vite remarqué, le jeune flutiste de génie accompagne dès l’âge de 11 ans, l’orchestre philarmonique d’Israël. A 18 ans, l’armée veut l’engager dans l’orchestre de Tsahal. Mais Yadin veut être combattant. Il se porte volontaire dans les chars, sa flute et son fusil en bandoulière. Quelques mois plus tard, éclate la Guerre de Kippour. Yadin fait parti de la première unité de chars qui tente de contenir l’avancée de l’armée égyptienne au Canal de Suez. Le 10 octobre, après un combat héroïque, le char de Yadin est touché, et le soldat est tué. Porté disparu pendant de long mois, il ne sera inhumé qu’un an plus tard, en octobre 1974 et décoré à titre posthume.

Le flutiste sur un char, une histoire derrière ce chiffre anonyme de 25578 combattants morts pour Israël.

 

Nimrodi, trafiquant d’armes et magnat de la presse

Si vous vous rendez à Savion, cette petite ville où le m2 est le plus cher d’Israël, la plus belle maison  appartient à Yaacov et Rivka Nimrodi. A quelques minutes de là, une autre bâtisse somptueuse, celle de l’ennemi numéro un de Nimrodi, Noni Moses, le patron du Yedihot, premier groupe de presse du pays et concurrent du Maariv, le journal de Nimrodi.

Selon une indiscrétion d’une amie décoratrice, qui travaille pour les deux magnats de la presse, les Nimrodi et les Moses prennent soin avant de fixer la date d’une soirée mondaine de vérifier que l’autre famille n’a pas arrêté la même date, beaucoup d’invités étant communs, bien que les deux familles ne se parlent à peine.

Non, je ne vais pas seulement vous raconter des potins sur Nimrodi, mais la confidence de mon amie, m’a rappeler qu’il était un des personnages les plus particuliers, les plus attachants d’Israël. 

Agé aujourd’hui de 83,  Yaacov Nimrodi, ans est né en Irak en 1926, dans une famille juive de Badgad. Il a tout juste deux semaines, lorsque ses parents immigrent avec leurs dix enfants en Israël.  Orphelin à l’âge de 14 ans, Nimrodi fait sa première affaire un an plus tard. Avec deux amis – Moshé Sasson et Ytshal Navon, le futur président de l’Etat – il achète au Mufti de Jérusalem,  un entrepôt d’armes qu’il revend ensuite à la Haganah.

Le ton est donné.  Nimrodi, s’engage dans les rangs de la Haganah, puis à Tsahal, après la création de l’Etat. Utilisant sa connaissance parfaite de l’arabe. Nimrodi participe avec succès à des opérations secrétes dans les rangs de l’ennemi et dirige des opérations d’immigration des  communautés juives d’Iran et d’Irak. Ami d’Ariel Sharon et d’autres officiers, qui deviendront dirigeants politiques ou grands patrons, Nimrodi fait donc la guerre en étoffant sérieusement son carnet d’adresse. Au temps du Chah, il est attaché militaire d’Israël à Téhéran et fais ses premiers pas dans le club fermé de l’aristocratie des marchands de canon en décrochant pour les industries israéliennes des contrats de milliards de dollars.

En 1967, Nimrodi  quitte l’armée israélienne et devient en quelques années milliardaire. Il vend des armes, cette fois pour son propre compte.  Il achéte aussi des  systèmes d’irrigation qu’il revend à prix d’or à travers le monde.  Dans les années 80, à la recherche d’une légitimité il investit dans des compagnies d’investissements, d’assurances, de tourisme et de construction.

Le tournant se produit en 1992, avec l’acquisition du deuxième quotidien du pays, le Maariv, qui appartenait alors au magnat de la presse, le britannique Robert Maxwell dont l’empire était en faillite.

Nouvel acteur dans le monde des communications, les accrochages avec les autres groupes se multiplient. A la fin de l’année 90, son fils Ofer Nimrodi est inculpé et condamné à plusieurs mois de prison dans une affaire d’écoutes téléphoniques contre la direction du Yedihot. Aujourd’hui, malgré la crise, la famille Nimrodi reste membre du clan réservé des 100 familles les plus riches d’Israël, avec une fortune personnelle de de 150 – 200 millions d’euros.

Revenons aux potins,  Nimrodi père n’apparait que très peu dans les réceptions de Tel Aviv. Par contre, son fils Ofer, qui dirige aujourd’hui le groupe, fait partie de toutes les fêtes.

 

L’empire de la famille Ofer

 

 ” Une cinquantaine de grandes familles dirigent le pays, c’est bien là notre drame ” m’explique une Pdg issue d’une de ses familles et qui a choisi de rompre l’alliance familiale pour se lancer dans une propre aventure de création d’un journal aujourd’hui leader dans le domaine du loisir et de la télévision.

Beaucoup d’encre a déjà coulé sur l’élitisme de la  société israélienne. Les rouages de l’économie, de l’industrie et de la presse sont contrôlés par quelques grandes familles, la plupart implantées en Palestine britannique, avant la création de l’Etat d’Israël.

couverture du Globes sur la famille Ofer

La famille Ofer est une de ses familles. Sur la promenade des bords de mer d’Herzliya, les bureaux  des  ” Frères Ofer  ” surplombent la plage. Dans les salons , des tableaux  d’art, échantillon de la Collection Ofer, une des plus importantes collections privées en Israël de tableaux d’art moderne  dont la  valeur est estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars.

Les frères Sami ( 80 ans )  et Yuli ( 78 ans ) Ofer ont une fortune personnelle évaluée à près de deux millards de dollars et le groupe contrôle des biens et sociétés à travers le monde évalués à plus de 15 milliards de dollars.

Deuxième famille d’Israël après la famille Arisson, les Ofer doivent leur fortune à Yossef Herzkovitch, le fondateur de la dynastie. Sioniste, immigré de Roumanie en 1924 avec sa femme qui venait d’accoucher de leur troisième fils, Herzkovitch repére les besoins de la Palestine d’alors, du nouveau yishouv juif, de l’intérêt grandissant des grandes puissances et devient un des principaux armateurs de l’Etat d’Israël en marche, représentant des grandes compagnies maritimes internationales, fournisseur du nouveau port de Haifa.

En 1950, la famille achéte son premier bateau de transport, le premier de la  flotte Ofer. Présent principalement sur le marché local jusqu’à la fin des années 60, les frères Ofer exploitent les opportunités économiques des lendemains de la guerre de 67 et se lancent dans des acquisitions en Europe d’abord, aux Etats Unis et en Asie ensuite. L’ empire prend désormais forme.

 

 Cette puissance à l’échelle planétaire, la famille décide de l’investir  en Israël. Armateurs, banquiers et industriels, les  Ofer contrôle près d’une vingtaine de firmes, parmi les plus influentes du pays et notamment,  les Industries de phosphate et de minéraux de la Mer morte et la société de navigation israélienne Zim. L’empire semble depuis quelques mois rencontrer certaines difficultés en raison de la crise. Mais les analystes continuent à miser sur la solidité du groupe, en raison d’un cash flow disponible fortement positif et  d’un chiffre d’affaires supérieur à 15-20 milliards de dollars.

Yuli et Sami  Ofer préparent aussi la passation du pouvoir à la jeune génération. Leurs enfants occupent des postes clés. Eyal, Liora, Doron et  Idan Ofer agés de 40-50 ans sont des noms à retenir pour comprendre l’économie israélienne de demain.