Israël est en fête

Après Hanoukka et Tu’bechvat, avant Pessah, Pourim en Israël.

Israël vit au rythme des fêtes du calendrier juif. Tout Israël. De Méa Shéarim à Florentine, d’une base reculée de Tsahal au lycée de Petach Tikva, des images de Pourim 2010 .

  • Dans un vieux magasin de Méa Shéarim, un hassid achète un parchemin de la Meguila Esther pour quelques milliers de shekels
  • La directrice  de ma Banque porte ce matin une perruque multicolore
  • Selon Strauss-Elite, premier producteur de confiseries, les israéliens offriront dimanche matin, jour de Pourim, 50 millions de mishloah hamanot, ces paquets que chacun offre à son ami, à son voisin
  • Dans un immense hangar à Jaffa, le théâtre Habimah loue ses costumes  pour les bals masqués des jeunes loups de la haute technologie
  • Dans la rue de Nehalat Benyamin, la rue des grossistes au sud de Tel Aviv, Micha vend des pétards, que les adolescents feront exploser “pour éloigner les ennemis du peuple juif. “
  • Et quelques mètres plus loin, Moshele, le grossiste en friandises a installé sur le trottoir ses paquets enrubannés
  • Dans la Moshava Germanit à Jérusalem, la pâtisserie Angel, a mis en vitrine sur papiers dentelles  “les Oreilles d’Aman”.
  • Dans une base militaire du Golan, à une centaine de mètres d’un avant poste syrien, deux jeunes Loubavitch distribuent aux soldats des friandises
  • Le déguisement le plus actuel que j’ai vu cette année, “agent du Mossad à Dubaï”, perruques, moustaches, barbe, lunette noire et chapeau de touriste.
  • La municipalité de Holon a envoyé des dizaines de milliers de sms, pour annoncer que le traditionnel défilé de Pourim est retardé d’un jour en raison des pluies diluviennes prévues pour dimanche.
  • Mais, Myriam, la styliste du carnaval, continue elle à mettre les dernières touches de peinture à son clown géant
  • Jérusalem entourée de murailles, fêtera Pourim non pas dimanche mais un jour plus tard. Deux amies l’une de Jérusalem, l’autre de Tel Aviv, s’écrivent en mail. ” Mon chou, cette année Pourim chez vous sous la pluie, venez fêter Pourim sous le soleil, lundi à Jérusalem. … ” Quitter Tel Aviv pour Pourim, jamais, plutôt la pluie que l’austérité de votre ville…” “Austérité, de quoi parles tu? Nous fêterons Pourim à 50, tous déguisés et le vin coulera à volonté…”
  • Dans un lycée de Petach Tikva, les profs doivent depuis une semaine respecter le règlement de Pourim. Tout s’inverse, comme le sort, le “Pour” d’Esther et de Mordehai. Pas de devoirs de classe, pas d’examens, des récréations de deux heures et des blagues pour débuter chaque journée.

Pourim  – Israël 2010

L’oreille d’Aman

 

 A quelques jours de Pourim, Koby Hakak, le Pdg de Roladin, la plus grande chaîne de pâtisseries en Israël a réunit une conférence de presse  – salle comble évidemment – pour présenter sa  collection 2010.   

Les Oreilles d’Aman, ces gâteaux  traditionnels de Pourim font peau neuve.                  Le pavot out, la crème pâtissière  in. Pendant des années, les oreilles d’Aman étaient des biscuits à la patte un peu grossière fourrées de pavot mélangé à du sucre. Les oreilles d’Aman 2010 sont des biscuits délicats, finement sablés fourrés de crème pâtissière, de confiture de marron, de chocolat à l’orange amer ou encore de mousse de café.

Hakak a donné des chiffres. Les Israéliens achèteront  pendant cette semaine de Pourim, 25 millions d’Oreilles d’Aman et fabriqueront à la maison, quelques 30 millions de ces biscuits. En moyenne chaque biscuit représente 150 à 300 calories. 30 % sont fourrés de pavot. 70 % de crème, confiture, de plus en plus sophistiquées chaque année.

Et un mot d’histoire. Ces  gâteaux, le pavot, leur forme triangulaire sont apparemment originaires des communautés ashkénazes  et notamment d’Allemagne. Le jour de Pourim, les Juifs voulaient  en croquant ces  gâteaux  en forme de papillotes, dire qu’Aman,  l’ennemi du peuple juif était vaincu. 

Selon certains chercheurs ces  gâteaux  apparaissent au 15è siécle dans le monde sépharade. Ben Yehuda dans son dictionnaire  affirme qu’Abarbanel, ce commentateur biblique  du 15è siècle ( Espagne – Portugal) faisait déjà référence à ces biscuits en décrivant les traditions de la journée de Pourim.

Dès les années 30, le jour de Pourim, les premières pâtisseries du yishouv juif vendaient les hamantaschen ( oreilles d’Aman en allemand), les Mohntaschles ( poches de pavot en allemand) ou encore les hamantash (poches – papillotes d’Aman en yiddish).  Depuis l’Oreille d’Aman est devenu le biscuit de Pourim. 

Mon Tel Aviv

 

Depuis quelques jours, je feuillette  “Mon Tel Aviv” de Nellu Cohn. Dix raisons pour lesquelles j’ai aimé (beaucoup) ce livre. 

1 – Depuis des années, Nellu Cohn annonce avec un délicieux accent roumain le direct de Jérusalem. Un beau matin, grâce à Facebook et wordpressblog, je découvre que mon collègue de Radio J est  un artiste.   

 2 – Pour le parcours de l’auteur, violoniste, pianiste (Académie Rubin de Jérusalem et Conservatoire de Paris ), homme de radio, chargé de cours à la Sorbonne, photographe. Un parcours atypique écrit sur lui-même Nellu et je rajoute, un parcours aux métiers de création, si juif et si contemporain. 

 3 – Il faut aussi introduire dans cette biographie des adjectifs: curieux, sensible, observateur, drôle, amoureux car sinon comment expliquer ces photos. 

 4 – Parce qu’il y a toujours des cadeaux d’anniversaire à faire et autant que ce soit culturel, israélien, intelligent, nouveau, beau, élégant et sur papier glacé. 

 5 – Pour avoir donné la parole à des amoureux de Tel Aviv

 6 – Pour avoir réuni  autour de Tel Aviv des cinéastes, musiciens, chanteurs, dessinateurs, écrivains, et intellectuels.    

 7 – Pour cette phrase écrite par le cinéaste Radu Mihaileanu “A Tel-Aviv, on passe d’un quartier à l’autre comme d’un monde à l’autre…Au fond, c’est toute l’humanité qui est concentrée au coeur de cette ville.” 

8 – Parce que tous ceux qui ne sont jamais venus à Tel Aviv auront envie en lisant ce livre de prendre l’avion. 

 9 – Parce que tout ceux qui travaillent à Tel Aviv, décideront après ce livre, de passer une après midi à flâner. 

 10 – Et surtout parce que “Mon Tel Aviv de Nellu Cohn” c’est aussi le Tel Aviv de chacun. A travers des textes réalistes, poétiques et personnels, des photos blanches et colorées, des tours Azrieli aux bords de plage, de Pourim à Guilad Shalit, des décolletés aux chapeaux noirs, le lecteur reconnaîtra la couleur, le parfum, le regard qui, un jour, l’a ému dans cette ville unique au monde

 Mon Tel Aviv

Photographies Nellu Cohn                                              
 Interview Victor Wintz
224 pages – Format 24×32
Edition Melting Art et Biblieurope

  

 
       

 

Vin…à lire et à déguster

C’était la fête du vin cette semaine à Tel Aviv. Des sommeliers du monde entier, les grands vignobles israéliens,  les petits producteurs et des milliers de visiteurs à Israwine Expo 2010. Je ne suis pas spécialiste du domaine et je laisse donc parler, l‘un des plus célèbres  sommeliers français, Olivier Poussier qui consacre sur son site une page au vin israélien. Lire et déguster chaque mot.

” Depuis le début des années 80, le vignoble israélien connaît une réelle mutation. Comme au Liban ou en Turquie, l’observation et la curiosité ont incité certains vignerons à modifier les zones de plantation. Les vins les plus sérieux impressionnent. Techniquement bien faits, ils s’imposent régulièrement à l’aveugle, sans rien renier de leur caractère sudiste. De quoi être optimiste pour l’avenir !

Ma préférence va aux vins rouges. Leur fraîcheur, leur finesse, leur harmonie sont parfois stupéfiantes. La formidable cuvée Adom 2001 du domaine Saslove, une propriété fondée en 1995 et située dans la région de Shomron au nord est de Tel Aviv est un bel exemple du potentiel des nouveaux vins israéliens. Ce 100% cabernet-sauvignon doté d’une robe profonde, à la juste maturité du fruit, dévoile un boisé bien géré, une structure charnue, seveuse et élégante.”

Et quelques données si vous désirez tout savoir sur le vin israélien. (Presque tout, car je continuerai à écrire sur le vin, qui au delà de la gastronomie et de son aspect business est devenu un véritable phénomène de société.)

Les cinq régions viticoles d’Israël

 

Pour les oenologues, la variété des sols et des climats est un des grands atouts de l’industrie du vin en Israël. Des roches volcaniques du Golan  aux terrains sableux du littoral, du climat froid en hiver, chaud, sec et humide en été et des températures  brûlantes  du Néguev, ces contrastes ont permis  la création de vins de terroirs spécifiques à chaque région.

  • Au nord, la Galilée et le Golan
  • Au centre, le long du le littoral méditerranéen et à l’intérieur des terres, les régions de Zichron Yaacov et de Benyamin, la  plus grande région vinicole d’Israël.
  • La région des vignes de Rishon le Tzion et  Rehovot.
  • Les vignobles de Jérusalem et de ses environs qui s’étendent jusqu’à Hébron et les monts de Judée
  • Le désert du Néguev au sud de la ville de Beer Sheva avec notamment le  développement dans la région d’Arad, d’une florissante industrie viticole exploitant des terres de qualité et utilisant des techniques ultramodernes d’irrigation.

La révolution des années 80

La révolution vinicole en Israël  date de la fin des années 80, avec l’introduction d’une technologie d’avant-garde et d’un savoir-faire importé des Etats-Unis.

Alors que le début de la production de vin en Israël doit beaucoup à la France, avec de nombreux hommes du terroir français venus expliquer les secrets de l’oenologie aux vignerons israéliens, la véritable révolution du vin des années 80 et 90 se base sur les techniques importées des Etats-Unis.
Le vin israélien tourne alors le dos à ses racines françaises, délaisse, les méthodes de production et les plants de l’époque du Baron de Rothschild. La production se diversifie avec le passage rapide d’une production centrée sur les vins rouges sucrés vers les vins blancs et rouges secs  et les mousseux.

Le vin israélien s’exporte

Aujourd’hui, l’industrie du vin en Israël est de plus en plus exportatrice. La production annuelle dépasse le million et demi de caisses, soit  6 000 hectares de vignes cultivés et 50.000 tonnes de raisins avec une diversité des cépages du muscat au grenache, du dabuki au Carignan, du sémillon au sauvignon et au  cabernet-sauvignon

Un nouveau dictionnaire avec spin et sababa

J’ai découvert cette semaine dans un communiqué de presse, l’existence d’un nouveau dictionnaire hébreu-français-hébreu.  Et j’ai aimé. Les  neuf raisons de mon coup de coeur. 

1- Facile de trouver un mot, facile de trouver un verbe 

2 – Les écologistes israéliens sauront désormais traduire “développement durable” et autres néologismes du 21 siècle

3- Les français pourront comprendre les ados israéliens  qui répètent 50 fois par jour ( au minimum)  ”Sababa”, et autres expressions populaires en vogue au pays d’Eliezer Ben Yehuda.

4-et aussi le motSpin”, le terme journalistique le plus utilisé au cours de l’année 2009, selon l’institut d’enquêtes médiatiques Ifaat. 

5 – Si vous êtes œnologue vous saurez dire en hébreu “ blanc de blanc” “chambrer le vin rouge” et “cru de cru”.

6-L’auteur écrit dans son introduction (et je partage), ce dictionnaire regorge d’expressions qui, par leur portée métaphorique permettent de manier une langue colorée et imagée. 

7-Ce dictionnaire est un beau livre, clair, précis, sérieux,lourd, robuste comme doit l’être un dictionnaire…

8-…Mais aussi sympathique, comme s’il donnait à tous ceux qui naviguent entre l’hébraïque et la française, la liberté des mots.

 9 – Et puis j’ai aimé qu’une traductrice qui a déjà participé à la rédaction de plusieurs dictionnaires (Editions Achiassaf et Larousse, mise à jour du dictionnaire de Marc Cohen, Editions Prologue) décide de sortir un beau matin en solo son dictionnaire. Pas exactement, un beau matin.” J’ai commencé à écrire ce dictionnaire depuis  50 ans… me dit Allouch.  Des papiers, fiches et notes écrits à la main dans des carnets avant que l’ordinateur ne vienne mettre de l’ordre dans ce dédale de mots.

 

Le ” Grand dictionnaire” de Colette Allouch
Editions Prologue
180 Shekels
En vente en Israël seulement (pour l’heure)

S. Yizhar à Mishkenot Shaananim

Depuis quelques mois, Mishkenot Shaananim accueille “les vendredis littéraires”,  des livres et leurs auteurs mis en scène avec ce beau titre donnée à cette série, ” la littérature sur scène”.

Moments particuliers de ce Jérusalem littéraire, bouillon de culture, dans ces maisons datant du 19e siècle. Dans la Jérusalem ottomane, le richissime britannique Moshé Montefiore y avait abrité les juifs nécessiteux  qui avaient accepté de vivre en dehors des murailles protectrices.

Aujourd’hui rénovées, ces maisons ont été transformées  en bijou de l’architecture jérusalémite: pierres centenaires, jetées de bouquets fleuris sur les dalles d’époque, bois ancien et ferronnerie d’art, couleurs ocres, rouges et bleus. Mishkenot Shaananim est devenue une belle auberge pour artistes et écrivains ( Saul Bellow y a écrit son roman Le Don de Humboldt qui lui a valu le prix Pulitzer en 1975)  et plus récemment un centre de conférences et d’art.

 

Ce vendredi a été consacré à Yizhar Smilansky –  S. Yizhar – le plus grand écrivain israélien des débuts de l’Etat d’ Israël, pour beaucoup  fondateur de la littérature hébraïque. Yizhar est décédé à l’âge de 90 ans en août 2006. Le Larousse décrit ainsi ce  maître de la littérature israélienne des années 1940. (J’ai volontairement cité le Larousse pour vous permettre d’avoir accès aux titres des livres traduits en français)

” Son héros privilégié est un jeune homme rêveur et tourmenté comme lui, évoluant dans un paysage marqué par les souvenirs d’enfance d’un bourg agricole face aux espaces infinis du désert (le Bois sur la colline, 1947). Dans le roman les Jours de Tziklag (1957), ainsi que dans les Quatre Nouvelles (1956) et les Six Contes d’été (1960), il évoque le drame des combattants pour l’indépendance et leurs victimes, les conquêtes, la destruction et la mort. Avec les Contes de la plaine (1964), il est entré dans l’ère de la désillusion. Son style baroque, amalgamant le langage parlé à toutes les formes de l’hébreu, a profondément marqué la langue littéraire de ses contemporains. Après presque 30 ans, Yizhar brise son silence pour publier deux romans autobiographiques, où il retrace la saga des pionniers sionistes au début du XXe s, Miqdamot, 1992, et Zalhabim, 1993.”

S.Yizhar était un personnage complexe. Grandi dans une famille d’écrivains, professeur de littérature hébraïque à l’université de Tel-Aviv, il fut aussi député dès la première Knesset et jusqu’à 1967.  Il a beaucoup écrit sur la guerre, mais aussi sur la nature et l’écologie.

A Mishkenot Shaananim, S. Yizhar est joué sur scène. Théâtre, danse et mouvements  sur les questionnements de l’écrivain, questions qui avaient déjà dérangé au lendemain de la Guerre d’Indépendance et qui gardent aujourd’hui toutes leur acuité: la nature de la guerre, la désobéissance, la peur de mourir, le destin collectif face au cheminement de l’homme.  Décrivant les événements de la Guerre d’Indépendance, Yizhar avait écrit: ” N’était-ce pas notre privilège de vainqueurs ? Après deux mille ans d’exil et les persécutions en Europe, nous étions à présent les Maîtres. » « Il aimait les guerriers et détestait les guerres »  disait de lui le poète Haim Gouri.

Et un mot sur le public de Mishkenot Shaananim. Si différent des Tel-aviviens. Ces Jérusalémites du 21è siècle semblent dans leurs allures d’avant garde porter sur eux l’histoire millénaire de leur ville.