Shalit, les moments identitaires

La journée du mardi 18 octobre, restera ancrée dans la mémoire des israéliens, au même titre que la journée du 29 novembre 1947, du 6 juin 1967, d’Entebbe et d’autres  dates identitaires de l’Israël moderne.  Non, il n’y a là aucune exagération, aucun populisme, aucun sentimentalisme. Il faut avoir vécu ces quelques dix heures de liesse, presque d’extase des Israéliens pour comprendre que le retour d’un soldat après cinq ans et demi de captivité entre dans les dates clès de l’Etat d’Israël. Il faudra encore du temps, des lignes pour comprendre la mobilisation de toute une nation. J’écrirais peut être plus tard sur cela. En attendant, pour ceux qui n’ont pas vu, ou pour ceux qui ont vu et veulent de nouveau voir, voici les moments inoubliables de cette journée, grâce à un très beau montage de la deuxième chaine de la télévision israélienne.

Dix heures de liesse, le clip de la deuxième chaine de la télévision israélienne

Arik Einstein chante Guilad Shalit

Arik Einstein a sorti le jour de la libération de Guilad Shalit, une nouvelle chanson pour Guidat Shalit. Maintenant que tu es là...  Ecrite, enregistrée en moins de 24 heures. Qui l’aurait cru de ce chanteur si exigeant, pédant, et minutieux. Chacun savait qu’il fallait à Einstein plusieurs mois pour enregistrer une chanson. Mais le syndrome Shalit a touché aussi le plus célèbre des chanteurs israéliens. ‘ J’ai vécu comme tout Israël, avec une angoisse dans la gorge depuis cinq ans, raconte Einstein. J’ai vu tout cela de mes yeux de grand père, d’arrière grand père, 18 petits enfants et 3 arrière petits enfants. Je connais bien ce peuple, si quelqu’un est en danger, il se lève tout entier et se mobilise. Ces journées là, je peux vous dire, je suis fier d’être israélien. Sur la chanson, c’est vrai qu’il me faut du temps, mais là, j’ai lu les paroles et en quelques heures la chanson a été enregistrée.

Rapide traduction – très rapide, juste pour permettre à nos amis non hébraisants d’entendre et de comprendre:  “Nous n’oublirons jamais, l’instant où nous avons appris que c’était fini, que tu allais revenir à la lumière. Le premier frisson, après cinq ans, maintenant que tu es là, après cinq ans, Ne cours pas, prend ton temps, tu seras toujours un héros, il n’est pas facile de pardonner au destin. Maintenant que tu es là, il est permis d’aimer, d’embrasser.  Il est permis de pleurer, de respirer, la peur qui ne reviendra plus nous as brisé le coeur. Nous aimons entendre ton nom, Nous t’avons attendu, juste pour de donner, pour t’aimer. Surtout n’ai pas honte, prend cet amour. Après cinq ans, il est permis d’aimer, de serrer fort dans ses bras, il est permis de respirer.  Arik Einstein

Shalit et Condolezza Rice

 

La député de Kadima, Dalya Itskik a raconté l’histoire d’un entretien entre Ehoud Olmert et Condolezza Rice, qui résume en quelques mots, la signification profonde de l’affaire Shalit. Olmert était alors Premier ministre de l’Etat d’Israël, Rice secrétaire d’Etat des Etats Unis. ” Nous ne pourrons jamais vraiment avancer dans les négociations avec les Palestiniens, sans régler au préalable l’affaire Shalit. Vous devez nous donner sur ce point un sérieux coup de main, l’avenir de la paix en dépend. ” dit Olmet à son interlocutrice. Rice s’étonne, “Mais Ehoud, savez vous, que les Etats Unis d’Amérique ont des dizaines de prisonniers en Irak et dans d’autres zones. Pourquoi vous monopolisez vous sur cette affaire Shalit.”

Olmert a alors du expliquer à Rice, que là était bien la différence entre le peuple d’Israël et d’autres peuples du monde. Les Israéliens ont fait de Shalit, leur repére identitaire, leur ancrage, reprenant les dires célèbres des sages du Talmud. Israël est comme un seul corps . Sans Shalit, la grande majorité des Israéliens avaient l’impression d’être mutilés.

Qui a sauvé Guilad Shalit

Octobre 2011. Aujourd’hui, en Israël, l’air du temps est à l’émotion. Palpable dans la rue, dans les foyers, dans les médias, dans le cœur de chaque israélien qui attendait depuis des mois, des années, depuis 1934 jours.  La petite phrase la plus émouvante dans cette explosion de sentiments qui envahit Israël est celle du frère d’une jeune femme de 23 ans tuée dans le terrible ‘attentat du Café Moment à Jérusalem. Je pleure de chagrin et de joie a t-il dit.

Le terroriste qui a tué sa sœur sera dans quelques heures un homme libre. Le prix à payer, lourd, douloureux. Inévitable? La solidarité israélienne sans laquelle l’Etat hébreu n’a pas de raison d’exister a imposé aux dirigeants de ramener à la maison Guilad Shalit. L’affaire Shalit a rappelé que la raison d’être d’Israël était d’abord l’entraide au sein du peuple juif.  Malgré, les risques énormes qu’entrainent la libération de dizaines de terroristes qui ont tué de sang froid des enfants, des femmes et des hommes. Noam et Aviva Shalit pourront dans quelques jours serrer leur  fils dans leurs bras. La pensée qu’un jeune israélien puisse croupir dans les geôles du Hamas était devenue une angoisse existentielle pour les Israéliens de 2011

Au delà de l’aspect humain qui bouleverse tout Israël, cet accord soulève une série de questions dont certaines sont de portée stratégique: le renforcement spectaculaire attendu du Hamas sur le Fatah, le lien entre l’affaire Shalit et la tentative israélienne d’arrêter le nucléaire iranien, les conséquences sur l’Etat palestinien en marche.  

Une autre question cruciale touche à la gouvernance même d’Israël. Qui a décidé? Qui a mené le combat pour la libération de Shalit? Qui a vraiment sauvé le soldat?  Disons le clairement. Guilad Shalit sera libéré parce que ses parents ont été des “ludniks”, célèbre expression israélienne que l’on pourrait traduire un peu vulgairement, et excusez moi d’avance par ”des emmerdeurs”. Après trois ans de silence, la famille Shalit a fait le choix de l’interventionnisme; une mobilisation nationale et internationale, orchestrée avec brio, calme, élégance et détermination inébranlable  par le père du soldat qui a réussi à entrainer le peuple d’Israël tout entier, de Shlomo Artzi au balayeur de rue, en passant par le bambin de maternelle qui scandait aussi, Guilad à la maison. 

Si l’on compare l’affaire Shalit à l’affaire Ron Arad, la différence est là, et seulement là. Tami Arad, l’épouse du pilote disparu, l’avait dit à Noam Shalit: “Ne faites pas l’erreur que nous avons fait. Nous avons compté sur le gouvernement. Nous avons eu tort. Vous seul, pouvez sauver Guilad. ” Noam Shalit a appliqué à la lettre le conseil de celle qui attend toujours des nouvelles de son époux. Benjamin Netanyaou a signé l’accord avec le Hamass. Il n’avait pas le choix. Noam Shalit avait réussi à convaincre que Guilad était le fils de chacun des Israéliens, de chacun des Juifs du monde entier.