C’était il y a 69 ans…

הכרזת-המדינה

 

Le vendredi 14 mai 1948, 5 du mois juif de iyar,  David Ben Gourion  arrive au 16 du boulevard Rothschild, dans la maison que Meïr Dizengoff, le premier maire de Tel-Aviv, a fait construire sur un terrain de sable acquis en 1909 lors d’un tirage au sort entre les soixante six fondateurs de la ville.

A 16 h, une heure à peine avant le début du shabbat, huit heures avant l’expiration du Mandat britannique, devant un parterre de trois cent cinquante notables et journalistes, David Ben Gourion tape trois coups de marteau, saisit quatre feuilles dactylographiées  et, debout sous le portrait de Théodore Herzl, lit solennellement  la déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël :

Et chaque mot, nous interpelle encore, 69 ans après :

 

« Nous, membres du Conseil national représentant le peuple juif du pays d’Israël […], proclamons la fondation de l’État juif dans le pays d’Israël, qui portera le nom d’État d’Israël. […]« 

L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés […] ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; […]« Nous tendons la main de l’amitié, de la paix et du bon voisinage à tous les États qui nous entourent et à leurs peuples. […]

« Nous lançons un appel au peuple juif de par le monde à se rallier à nous dans la tâche d’immigration et de mise en valeur, et à nous assister dans le grand combat que nous livrons pour réaliser le rêve poursuivi de génération en génération : la rédemption d’Israël.« Confiants en l’Éternel tout-puissant, nous signons cette déclaration sur le sol de la patrie, dans la ville de Tel-Aviv, en cette séance de l’assemblée provisoire de l’État, tenue la veille du chabbat, 5 iyar 5708, quatorze mai mil neuf cent quarante-huit. »

 

Les trente-sept parlementaires du yichouv juif, membres du Conseil provisoire signent le document. Le Rabbin Fishman-Maimon récite la prière du Shehecheyanou, cette prière de remerciement à la nouveauté et à la continuité.  L’orchestre philarmonique, contraint par manque de place à s’installer à l’étage supérieur de la bâtisse, entonne la Tikva.

Il est 16 h 32. La cérémonie qui a changé le destin du peuple juif a duré trente-deux minutes.

Yom Hashoah : À la recherche des personnes perdues

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« Il est 16 h 45. Vous écoutez Kol Israël. Yaron Énoch au micro, pour notre rendez-vous quotidien, À la recherche des personnes perdues. » Chaque jour, avec sa voix grave et rauque, Yaron Énoch se fait messager d’une espérance.  Calme, acharné, têtu, Yaron Énoch prend son temps. Un journaliste d’antan. Un puriste enragé de précision et d’honnêteté.  Avec l’aide de son équipe, il sonde les appels de ceux qui cherchent. Il doit aussi pénétrer, parfois débusquer les réponses de ceux qui espèrent avoir enfin été retrouvés. Des bouteilles à la mer ? Pas vraiment : les messages qui parviennent à Yaron Énoch ne sont pas jetés au hasard des flots médiatiques. Le journaliste ne le dit pas, mais il est fier de pouvoir donner un espoir. Même si c’est souvent en vain.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, À la recherche des personnes perdues tente d’identifier des parents, des amis emportés dans la tourmente de l’histoire juive. Créée avant même la naissance de l’État d’Israël, l’émission radiophonique est devenue un mythe.

La Shoah fut un sujet tabou jusque dans les années 1950. L’oubli était un choix — un code social, presque un mot d’ordre jamais exprimé. Mais pour se souvenir, les rescapés avaient l’intimité du petit  poste de radio. Seul avec son transistor, le survivant de l’enfer écoutait d’autres rescapés anonymes raconter leur quête d’êtres chers. Certains avaient perdu jusqu’au dernier membre de leur famille, d’autres leurs enfants, leur conjoint, leurs parents. Le survivant entendait des noms, des prénoms, des lieux, des dates. L’identification apaisait la douleur. Beaucoup préféraient écrire. Un organisme officiel centralisait les demandes de recherches : deux mille lettres en 1945, vingt mille en 1946.

Interrompue dans les années 1970 — « le temps passant, le besoin s’estompera », avaient estimé les producteurs —, l’émission a été de nouveau programmée au début des années 2000. De prime abord rébarbative, l’émission bénéficie d’un fort taux d’écoute. Ce quart d’heure radiophonique est une expérience identitaire collective qui plonge l’auditeur dans le passé de son peuple. Et qui l’interpelle aussi sur l’avenir. En l’écoutant, on pourrait écrire l’histoire du peuple hébreu égaré.

À la recherche des personnes perdues n’est pas de la téléréalité. Un jour, une rencontre sur les ondes entre un père et son fils — ils se cherchaient depuis cinquante ans — a failli s’achever par une crise cardiaque. Depuis, les rencontres, souvent pathétiques, toujours émouvantes, sont racontées à l’antenne, mais se déroulent loin des micros.

Les demandes de recherche de personnes disparues pendant la Shoah se poursuivent encore aujourd’hui. Est-ce un signe ? Aujourd’hui, les enfants et petits-enfants des victimes — les deuxième, troisième et quatrième générations de la Shoah — veulent combler à leur tour les trous noirs du passé. Qu’ils aient dû attendre près de soixante dix ans pour questionner ajoute à la difficulté de leur recherche, mais ne retire rien à son authenticité.

Ils ont hérité des traumatismes. Ils savent que c’est l’occasion ultime d’approcher une histoire occultée par leurs parents. Leurs demandes se font plus pressantes, plus urgentes, comme si le temps, au lieu d’apaiser les blessures et permettre l’oubli salvateur, amplifiait le regret de ne pas savoir. Chercher avant que la trace d’un être cher soit engloutie à jamais. Un être sans nom, sans mémoire, sans souvenir. Chercher avant qu’il n’y ait plus personne à chercher, plus personne pour raconter, plus personne pour répondre.

Le Pessah de Nathan Sharansky

 

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Où l’homme se sent-il libre ? Dans les rues colorées, turbulentes, avenantes de Jérusalem, de Tel Aviv, d’Israël, cette veille de Pessah, ou dans un cachot noir et glacial au fond de la Sibérie ?

Cette question étrange a été posée par Nathan Charansky. L’ancien prisonnier de Sion, raconte sur la Channel Two de la télévision israélienne, à la journaliste Sivan Rahav Meir,  Pessah en Sibérie, dans la prison soviétique.

” Je n’avais pas de matzot, pas de livre de la Hagada de Pessah. J’étais au fond d’un cachot avec d’autres juifs. Alors j’ai passé la nuit à raconter l’esclavage et la liberté, la sortie d’Egypte. Nous avons tous senti  la liberté. Au fond de ce cachot, en racontant la liberté de nos ancêtres, nous devenions libres, au plus profond de nous mêmes.

Dans un cachot, les choses sont nettes, presque limpides. Du noir et du blanc. Facile de définir le bon et le mal. Facile de différencier le gentil du méchant. Nous étions du côté des bons, d’un peuple avec un passé, héritiers d’hommes qui ont su acquérir la liberté.

Dans la société moderne,  la lutte pour la liberté est un combat âpre. Face à des tentations multiples, à des jougs de toutes sortes, l’homme méne un combat héroïque pour gagner sa liberté, pour réussir à être  ben ‘horin, pour acqyérir ce sentiment de plénitude qu’est la liberté, la vraie.”

HARNIK NATIPhoto GPO Harnik Nati, Nathan Charanshky le 2 novembre 1986, à son arrivée en Israël, avec sa femme, Shimon Pérès et Itshak Shamir.