Un homme “agoun”

L’époux “agoun” face à une épouse qui refuse de recevoir son guet est un sujet dont on parle beaucoup moins que le drame de la femme agouna.

Le cas d’un mari “agoun”, est certes bien moins grave dans ses conséquences. Alors qu’une femme agouna, ( son mari refuse de lui donner son guet ) n’a aucune issue, le mari “agoun”, ( sa femme refusant de recevoir le guet), a du point de vue de la halakha plusieurs possibilités de continuer sa vie, y compris celle de se remarier (bien que l’autorisation d’un second mariage soit compliquée à obtenir). S’il a un enfant avec une autre femme, cet enfant sera légitime alors que dans le cas d’une femme sans guet, cet enfant sera “mamzer”, batard.

Tout en étant beaucoup moins dramatique pour le conjoint, l’attitude d’une femme qui refuse de recevoir son guet, est tout aussi reprochable. Comme pour la agouna, il y a là une exploitation inacceptable de la Loi juive. Ce que nous disons pour défendre la femme agouna, doit aussi être dit pour l’homme agoun. Lorsqu’il n’y a plus de chance de “shalom bait”, de vie maritale, le guet doit être donné immédiatement par l’époux et doit être reçu immédiatement par l’épouse.

Grâce à une décision d’une importance majeure pour le droit de la femme, décision datant d’un millier d’années, décrétée par Rabbenou Guershom, Meor Hagolah, (c. 960 -1040), un des premiers et des plus importants décisionnaires halachiques du monde ashkénaze, le divorce juif, le guet ne peut plus être donné par l’homme sans le consentement de l’épouse. L’épouse doit accepter le guet et le recevoir directement ou par un émissaire nommé par un Beit Din.

Le phénomène de femmes qui refusent de recevoir leur guet n’est pas rare. Selon les données des Tribunaux rabbiniques, il serait même plus important numériquement que le nombre de maris refusant de donner le guet à leur femme.

Cette semaine, la Cour Suprême saisi en appel par l’épouse qui refusait de recevoir son guet a tranché et donné raison à l’époux. Pour la Présidente de la Cour, la Juge Esther Hayout, le chantage de l’épouse est condamnable et la Haute Cour a donné raison au Tribunal rabbinique qui avait condamné la femme a une amende journalière de 150 shekels, puis de 220 shekels tant qu’elle refusera de recevoir son guet que l’époux a déjà déposé devant le Beit Din.

Le couple qui s’est marié il y a trois ans, s’est séparé après quelques jours de mariage. L’époux sous le conseil du Beit Din a accepté de transmettre à l’épouse les cadeaux du mariage pour une valeur de 60.000 shekels. Mais l’épouse continue depuis trois ans a refusé le divorce.

Dans le même dossier, La Haute Cour a par contre rejeté la décision du Beit Din de réduire la valeur de la Ketouba de l’épouse de 500 shekels par jour, tant que le refus de recevoir le guet se poursuivrait et permet ainsi à la femme de demander sa kétouba dans son intégralité, une fois qu’elle aura accepté de recevoir le guet.

Après 14 ans, Vicky a eu son guet

Après 14 ans !!! d’attente Vicky Tzur a reçu son guet ce matin au Beit Din de Netanya.

L’histoire débute à la fin de l’année 2006. Le mari de Vicky décide de divorcer. Quelques mois plus tard, il quitte Israël, abandonne sa femme et ses quatre enfants et s’installe en Argentine. Les premières années, Vicky espère que la crise est temporaire. Les années passent. En 2013, Vicky comprend que son mari a refait sa vie en Argentine et qu’il refuse de lui donner son guet.

Le Département des Agunot du Tribunal rabbinique d’Israël se saisit du dossier en 2016.  Depuis lors des négociations sont menées avec le mari par l’intermédiaire du rabbinat d’Argentine et du Grand Rabbin Gabriel Davidovitch. Vicky céde sur presque tout. En vain. Nous tentons presque tout, mais à chaque concession de Vicky, l’époux à une nouvelle exigence, parfois très technique et sans importance, parfois une exigence financière, et les mois passent, sans que nous arrivions à mener une négociation sérieuse. Après avoir pendant des années dit clairement non, il choisit une nouvelle tactique et fait trainer le processus. Des accords sont échangés. Mais rien n’avance. “Katy me dit Vicky, vraiment je ne comprends pas comment cela peut être possible. On ne peut rien faire ? Lui continue sa vie, et moi…”. La révolte de Vicky semble sans issue.

En novembre 2019, avec l’aide de l’organisation Yad laisha, une procédure contre l’époux pour dommage et intérêt débute. La Cour de Justice après plusieurs mois de procédure donne gain de cause à Vicky et impose une amende de 720.000 shekels à son époux. Mais, toujours en Argentine, il continue à refuser, malgré les pressions presque quotidiennes du rabbinat d’Argentine.

Le dénouement se produit, il y a une quinzaine de jours, en pleine crise de Corona, le Rav Davidovitch réussit à convaincre l’époux. Une autorisation spéciale est donnée pour pouvoir sortir malgré le confinement très sévère imposé à Buenos Aires. La semaine dernière l’époux a remis le guet au Rabbinat d’Argentine et vendredi, le guet, le guet-shlihout est arrivé en Israël. ”   Vicky a   retrouvé sa liberté après 14 ans de cauchemar.

Ce nouveau combat montre que même lorsque l’époux récalcitrant se trouve à l’étranger, la justice israélienne peut agir et réussir. Certes, le combat a été long, ardu, douloureux. Mais aujourd’hui Vicky est libre.