Guet : Addis Abbeba – Tel Aviv

Loin du regard des médias, s’est déroulée ces derniers jours une affaire de guet sur trois continents, impliquant des dirigeants israéliens, éthiopiens et américains, des sommités rabbiniques et le Mossad, une affaire digne d’un roman d’espionnage.

Sarah (nom d’emprunt) de la communauté éthiopienne vit en Israël avec son mari et ses enfants. Il y a deux ans, sans prévenir, son époux disparait, laissant en Israël, une jeune femme aguna, seul avec ses enfants. Après plusieurs mois d’enquête, avec l’aide de l’ambassade d’Israël en Ethiopie et du Mossad, le département des agunot du Tribunal rabbinique de Jérusalem découvre que l’époux est retourné en Ethiopie. L’époux promet de donner le guet et le directeur du département, le rav Eliahou Maïmon, envoie immédiatement en Ethiopie, le rabbin Alon Nagussa, spécialiste de la communauté éthiopienne.

Une fois arrivé en Ethiopie, le rav Nagussa découvre que l’époux a disparu et contrairement à ses promesses n’est pas venu au rendez-vous pour remettre le guet à sa femme. De nouveau, les affaires étrangères et le Mossad, après un accord du Premier ministre Netanyaou se mettent à la recherche de l’époux récalcitrant. Après des mois de recherche, le mari est repéré il y a quelques semaines au Nord de l’Ethiopie. Mais dans cette région du Tigré, des combats violents et sanglants opposent l’armée éthiopienne avec le Front de libération du peuple du Tigré. Envoyer un rabbin et procéder à une remise de guet dans la région est risqué et techniquement impossible. L’inexistence de télécommunications ne permet pas un contact avec Israël nécessaire pour la remise du guet.

Le rav Maimon envoie un émissaire pour convaincre le mari de donner le guet et de se rendre avec lui plus au sud de l’Ethiopie. Une opération risquée est organisée par les services de la sécurité israélienne. Les deux hommes marchent à pied pendant près de deux jours dans les zones de combat avant d’être pris en charge par une jeep, qui les conduit sains et saufs, dans un hôtel de la capitale d Gondar, puis dans la capitale d’Addis Abbeba.

L’épouse est dépêchée au Beit Din de Tel-Aviv, et la cérémonie du guet a eu lieu la semaine dernière par conférence vidéo. Après deux ans Sarah a retrouvé sa liberté.

Quel est le prix que les services de la sécurité israélienne ont dû payer pour mener à bien cette opération risquée. Silence total des autorités. La liberté d’une femme a un prix que l’Etat d’Israël a accepté de payer.

Une Meguila écrite par une femme est-elle cacher ?

וַתִּכְתֹּב אֶסְתֵּר הַמַּלְכָּה בַת אֲבִיחַיִל וּמָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי אֶת כָּל תֹּקֶף לְקַיֵּם אֵת אִגֶּרֶת הַפּוּרִים הַזֹּאת הַשֵּׁנִית

מגילה ט, כט.

Pour ne pas faire durer le suspense, je vous donne la réponse d’emblée, une Méguila de Pourim écrite de la main d’une femme est strictement cacher, selon un jugement du grand décisionnaire sépharade, le Rav Ovadia Yossef.

L’importance de la question du point de vue halachique est liée à l’obligation de lire la Méguila d’Esther non pas dans un simple livre imprimé, mais dans un parchemin écrit à la main par un scribe selon des lois très strictes d’écriture, identiques à celles de l’écriture d’un rouleau de la Thora.

Sur l’écriture d’un rouleau de Thora, le Talmud, (Guittin, 45), précise qu’un homme et non une femme doit écrire le parchemin.  

Or, écrit le Rav Ovadia Yossef, les femmes ont l’obligation de lire ou d’écouter la Méguila d’Esther, le miracle de Pourim est celui d’une femme et donc “nous devons poser la question si la Méguila peut être écrite de la main d’une femme. “

La question a été posée maintes fois par les sages. Le Hida et d’autres sages ont déjà écrit qu’une Méguila écrite par une femme était strictement cacher.

Le Rav David Oppenheim a donné une explication à partir du texte même de la Méguila : ” Dans le texte de la Méguila, il est écrit   La reine Esther, fille d’Avihail écrivit)  Méguila d’Esther, 9, 29). ” C’est à partir de ces termes, que le Talmud, (Méguila, 19) a décrété que la Méguila, comme les rouleaux de la Thora, devait être écrite sur un parchemin, avec de l’encre et un porte-plume, et comment imaginer que la première Méguila écrite par Esther ne serait pas cacher !

En d’autres termes, si la Reine Esther a écrit la Méguila,il y a quelques 2500 ans, les femmes juives de génération en génération, peuvent elles aussi, apprendre les règles de la calligraphie hébraïque et écrire la Méguila d’Esther.

Dans les coulisses du guet de Shira Isakov

Il y a quelques mois Aviad Moshé tente d’assassiner sa femme. Grièvement blessée avec des blessures encore visibles sur toutes les parties de son corps et de son visage, Shira Isakov entre la vie et la mort, lutte pendant plusieurs jours. Les médecins réussissent à sauver sa vie. La jeune femme subit plusieurs opérations chirurgicales, notamment des opérations esthétiques et dentaires.   

Sortie difficilement de cet enfer, Shira pensait que sa demande de divorce serait une procédure formelle. Aviad Moshé avait d’autres plans. Amené de la prison devant le Beit Din de Haifa il déclare qu’il n’a pas l’intention de donner le guet à sa femme. En d’autres termes, ” j’ai tenté d’assassiner ma femme, je n’y suis pas arrivé, elle restera donc lié à moi à jamais ” !!   

Alerté, le Rav Eliyahu Maimon, directeur du département des agunot du Tribunal Rabbinique, classe immédiatement le dossier comme un dossier d’igoun de refus de guet, bien qu’un laps de temps de quelques jours à peine s’est écoulé depuis l’ouverture du dossier de divorce.

Le juge rabbinique du Tribunal de Haïfa, le rav Edry décide d’envoyer le mari réfractaire au cachot et décide d’une nouvelle audience dans les quatre jours.

Une semaine plus tard, Aviad Moshé n’a pas changé d’avis. Il demande que le Tribunal tranche d’abord sur la répartition du patrimoine et sur la garde de l’enfant ! Le juge est catégorique : ” Ces questions seront jugées ultérieurement, aujourd’hui Shira doit recevoir son guet. ” L’alternative le cachot pour de longs mois ou le guet aujourd’hui.

En moins d’une heure, Aviad Moshé cède et demande la permission de lire une lettre d’excuse à Shira, pour l’avoir pendant tant d’années menacé, humilié, bafoué, violenté. Que valent ces excuses après qu’un homme ait poignardé sauvagement sa femme.

Lors de la remise du guet, l’homme et la femme doivent être face à face. Shira n’a pas caché sa crainte de se retrouver même quelques minutes face à un homme qui pouvait de nouveau l’agresser.

Deux vigiles des services pénitenciers étaient certes là, mais le juge rabbinique s’est placé aux cotés de Shira, comme prêt à intervenir au cas où.

Pour le Rav Maimon,  ” dès le moment où cette affaire nous est parvenue, en raison des circonstances, elle a été immédiatement définie comme une affaire d’igoun. Je ne me souviens pas d’une situation aussi tragique devant une cour rabbinique. “

Shira a été sauvée, grâce à un Beit Din, à des rabbins qui ont agi vite, avec sang-froid et avec une tolérance zéro face à des attitudes innommables d’un époux. Ce n’est pas la première fois que ce Beit Din de Haifa, fait fi des règles, raccourci les processus pour sauver une femme. J’ai eu personnellement le cas de trois femmes que nous avons réussi à sauver en quelques jours grâce à la détermination du Rav Edry.

Le Rav Edry n’est pas un cas isolé. Depuis quelques années, de plus en en plus de juges rabbiniques, lorsqu’ils comprennent qu’il y a une exploitation éhontée de la situation, sont sans merci face à un mari récalcitrant.

Mais face à ces succès, il y a aussi des échecs révoltants ; Comme celui d’une affaire qui soulève un tollé ces derniers jours en Israël, une femme ultra-orthodoxe, qui attend depuis 30 ans son guet !!sans que le Tribunal de Jérusalem saisit du dossier ne réussisse à la libérer.