Après une attente et une souffrance terrible, trois femmes, S. de Téhéran, M. de Paris et A. de New York ont eu leur guet cette semaine au Beit Din de Tel Aviv et de Netanya



Après une attente et une souffrance terrible, trois femmes, S. de Téhéran, M. de Paris et A. de New York ont eu leur guet cette semaine au Beit Din de Tel Aviv et de Netanya
Après onze ans de séparation, Arielle originaire de Suisse, a reçu son guet hier au Beit Din de Tel Aviv. Les raisons invoquées par l’époux sont toujours les mêmes : “Mais elle n’a pas demandé le guet…”, ” Après le divorce civil…”, ” Mais si je donne le guet, je n’aurais plus de moyen de pression…” “le rabbin ne m’a pas demandé de donner le guet”…
Alors Messieurs, voici les réponses, pour qu’aucune autre femme n’attende plus jamais onze ans pour retrouver sa liberté : Lorsque le couple décide que le mariage a pris fin, le mari doit donner le guet immédiatement. Lorsqu’une femme séparée définitivement de son époux demande son guet, une seule fois suffit. Lorsqu’une femme dit non, c’est non. Lorsqu’une femme demande son guet, c’est qu’elle demande son guet. L’époux n’a pas à attendre qu’elle dépose sans fin des demandes. Lorsque le divorce civil dure des années et que le guet est utilisé pour obtenir gain de cause, c’est contraire à l’esprit de la halakha.
Et surtout, lorsque toute une communauté sait qu’en son sein vit une femme sans guet et ne dit rien et ne fait rien, c’est un opprobre pour l’ensemble de cette communauté.
Bien des femmes restent des années “emprisonnées”. Ce cercle de violence non dite fait perdre les repères et il faut beaucoup de courage et de force morale à une femme pour mener ce combat. Sur le chemin d’Arielle, il y a eu un rabbin, le Rav Teboul du Beit Din de Lyon, qui entendant l’histoire n’a pas supporté l’iniquité et a été le premier jalon vers la liberté. Il y a eu aussi, le dayan de Tel Aviv, le Rav Zvadia Cohen qui en moins d’une heure a réussi à convaincre le mari à donner le guet, sans condition et à l’amiable.
Pourquoi aucune autorité rabbinique pendant onze ans n’a-t-elle pas fait de même ?
Avec beaucoup de courage, Arielle a accepté que nous publions son histoire et sa photo pour qu’une femme, enchaînée dans un mariage inexistant, puisse-t-elle, elle aussi retrouver sa liberté.
J’ai rencontré Serge Hajdenberg, pour la première fois à Jérusalem au début des années 80. C’était quelques mois après les premières diffusions de Radio J à Paris. “A Radio J, nous défendrons d’abord et avant tout Israël “disait-il. C’est ainsi qu’est né “le direct de Jérusalem”, que j’ai présenté pendant presque quatre décennies. Ce direct était son idée. Bien plus que le choix d’un format d’information, entendre tous les jours en direct la voix d’Israël avait pour Serge un message. Israël devait être au cœur de l’identité de la communauté juive de France.
Serge voulait raconter Israël, tout Israël, Israël authentique, dans sa diversité et dans sa pluralité. Au cours des centaines et centaines de discussions que nous avons tenues au fil des années sur la ligne éditoriale, Serge n’a jamais voulu rien censurer, persuadé que tout raconter était le meilleur moyen de défendre et de faire comprendre Israël.
Serge, fait partie de cette génération de militants pour qui Israël et le peuple juif était une vraie histoire d’amour. Etre engagé auprès d’Israël, c’était son essence même.
Il y a quelques années, Serge m’appelle et me dit ” ça y est, je l’ai !”. C’était sa “téoudat zehout“, sa carte d’identité israélienne. ” Mais Serge, tu es déjà israélien depuis longtemps, tes filles et tes petits enfants habitent ici, en Israël.” ” Exact me répond-il, mais être soi-même israélien c’est un accomplissement, une implication, une vraie…”
Serge haïssait l’hypocrisie, abhorrer la déloyauté et mépriser la fourberie. Le terrain des artifices, du leurre, du mensonge, de la fausseté n’était pas le sien. Ce purisme était sa force.
Lorsqu’au printemps 2018, Serge a dû céder Radio J il m’a confié ” je ne suis pas sûr que Radio J pourra rester la radio militante et engagée que nous avions créée, les temps et les hommes ont changé.”
Shalom Serge, mon patron bien aimé, mon ami.
Katy Bisraor Ayache
Loin du regard des médias, s’est déroulée ces derniers jours une affaire de guet sur trois continents, impliquant des dirigeants israéliens, éthiopiens et américains, des sommités rabbiniques et le Mossad, une affaire digne d’un roman d’espionnage.
Sarah (nom d’emprunt) de la communauté éthiopienne vit en Israël avec son mari et ses enfants. Il y a deux ans, sans prévenir, son époux disparait, laissant en Israël, une jeune femme aguna, seul avec ses enfants. Après plusieurs mois d’enquête, avec l’aide de l’ambassade d’Israël en Ethiopie et du Mossad, le département des agunot du Tribunal rabbinique de Jérusalem découvre que l’époux est retourné en Ethiopie. L’époux promet de donner le guet et le directeur du département, le rav Eliahou Maïmon, envoie immédiatement en Ethiopie, le rabbin Alon Nagussa, spécialiste de la communauté éthiopienne.
Une fois arrivé en Ethiopie, le rav Nagussa découvre que l’époux a disparu et contrairement à ses promesses n’est pas venu au rendez-vous pour remettre le guet à sa femme. De nouveau, les affaires étrangères et le Mossad, après un accord du Premier ministre Netanyaou se mettent à la recherche de l’époux récalcitrant. Après des mois de recherche, le mari est repéré il y a quelques semaines au Nord de l’Ethiopie. Mais dans cette région du Tigré, des combats violents et sanglants opposent l’armée éthiopienne avec le Front de libération du peuple du Tigré. Envoyer un rabbin et procéder à une remise de guet dans la région est risqué et techniquement impossible. L’inexistence de télécommunications ne permet pas un contact avec Israël nécessaire pour la remise du guet.
Le rav Maimon envoie un émissaire pour convaincre le mari de donner le guet et de se rendre avec lui plus au sud de l’Ethiopie. Une opération risquée est organisée par les services de la sécurité israélienne. Les deux hommes marchent à pied pendant près de deux jours dans les zones de combat avant d’être pris en charge par une jeep, qui les conduit sains et saufs, dans un hôtel de la capitale d Gondar, puis dans la capitale d’Addis Abbeba.
L’épouse est dépêchée au Beit Din de Tel-Aviv, et la cérémonie du guet a eu lieu la semaine dernière par conférence vidéo. Après deux ans Sarah a retrouvé sa liberté.
Quel est le prix que les services de la sécurité israélienne ont dû payer pour mener à bien cette opération risquée. Silence total des autorités. La liberté d’une femme a un prix que l’Etat d’Israël a accepté de payer.
וַתִּכְתֹּב אֶסְתֵּר הַמַּלְכָּה בַת אֲבִיחַיִל וּמָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי אֶת כָּל תֹּקֶף לְקַיֵּם אֵת אִגֶּרֶת הַפּוּרִים הַזֹּאת הַשֵּׁנִית
מגילה ט, כט.
Pour ne pas faire durer le suspense, je vous donne la réponse d’emblée, une Méguila de Pourim écrite de la main d’une femme est strictement cacher, selon un jugement du grand décisionnaire sépharade, le Rav Ovadia Yossef.
L’importance de la question du point de vue halachique est liée à l’obligation de lire la Méguila d’Esther non pas dans un simple livre imprimé, mais dans un parchemin écrit à la main par un scribe selon des lois très strictes d’écriture, identiques à celles de l’écriture d’un rouleau de la Thora.
Sur l’écriture d’un rouleau de Thora, le Talmud, (Guittin, 45), précise qu’un homme et non une femme doit écrire le parchemin.
Or, écrit le Rav Ovadia Yossef, les femmes ont l’obligation de lire ou d’écouter la Méguila d’Esther, le miracle de Pourim est celui d’une femme et donc “nous devons poser la question si la Méguila peut être écrite de la main d’une femme. “
La question a été posée maintes fois par les sages. Le Hida et d’autres sages ont déjà écrit qu’une Méguila écrite par une femme était strictement cacher.
Le Rav David Oppenheim a donné une explication à partir du texte même de la Méguila : ” Dans le texte de la Méguila, il est écrit La reine Esther, fille d’Avihail écrivit) Méguila d’Esther, 9, 29). ” C’est à partir de ces termes, que le Talmud, (Méguila, 19) a décrété que la Méguila, comme les rouleaux de la Thora, devait être écrite sur un parchemin, avec de l’encre et un porte-plume, et comment imaginer que la première Méguila écrite par Esther ne serait pas cacher !
En d’autres termes, si la Reine Esther a écrit la Méguila,il y a quelques 2500 ans, les femmes juives de génération en génération, peuvent elles aussi, apprendre les règles de la calligraphie hébraïque et écrire la Méguila d’Esther.
Il y a quelques mois Aviad Moshé tente d’assassiner sa femme. Grièvement blessée avec des blessures encore visibles sur toutes les parties de son corps et de son visage, Shira Isakov entre la vie et la mort, lutte pendant plusieurs jours. Les médecins réussissent à sauver sa vie. La jeune femme subit plusieurs opérations chirurgicales, notamment des opérations esthétiques et dentaires.
Sortie difficilement de cet enfer, Shira pensait que sa demande de divorce serait une procédure formelle. Aviad Moshé avait d’autres plans. Amené de la prison devant le Beit Din de Haifa il déclare qu’il n’a pas l’intention de donner le guet à sa femme. En d’autres termes, ” j’ai tenté d’assassiner ma femme, je n’y suis pas arrivé, elle restera donc lié à moi à jamais ” !!
Alerté, le Rav Eliyahu Maimon, directeur du département des agunot du Tribunal Rabbinique, classe immédiatement le dossier comme un dossier d’igoun de refus de guet, bien qu’un laps de temps de quelques jours à peine s’est écoulé depuis l’ouverture du dossier de divorce.
Le juge rabbinique du Tribunal de Haïfa, le rav Edry décide d’envoyer le mari réfractaire au cachot et décide d’une nouvelle audience dans les quatre jours.
Une semaine plus tard, Aviad Moshé n’a pas changé d’avis. Il demande que le Tribunal tranche d’abord sur la répartition du patrimoine et sur la garde de l’enfant ! Le juge est catégorique : ” Ces questions seront jugées ultérieurement, aujourd’hui Shira doit recevoir son guet. ” L’alternative le cachot pour de longs mois ou le guet aujourd’hui.
En moins d’une heure, Aviad Moshé cède et demande la permission de lire une lettre d’excuse à Shira, pour l’avoir pendant tant d’années menacé, humilié, bafoué, violenté. Que valent ces excuses après qu’un homme ait poignardé sauvagement sa femme.
Lors de la remise du guet, l’homme et la femme doivent être face à face. Shira n’a pas caché sa crainte de se retrouver même quelques minutes face à un homme qui pouvait de nouveau l’agresser.
Deux vigiles des services pénitenciers étaient certes là, mais le juge rabbinique s’est placé aux cotés de Shira, comme prêt à intervenir au cas où.
Pour le Rav Maimon, ” dès le moment où cette affaire nous est parvenue, en raison des circonstances, elle a été immédiatement définie comme une affaire d’igoun. Je ne me souviens pas d’une situation aussi tragique devant une cour rabbinique. “
Shira a été sauvée, grâce à un Beit Din, à des rabbins qui ont agi vite, avec sang-froid et avec une tolérance zéro face à des attitudes innommables d’un époux. Ce n’est pas la première fois que ce Beit Din de Haifa, fait fi des règles, raccourci les processus pour sauver une femme. J’ai eu personnellement le cas de trois femmes que nous avons réussi à sauver en quelques jours grâce à la détermination du Rav Edry.
Le Rav Edry n’est pas un cas isolé. Depuis quelques années, de plus en en plus de juges rabbiniques, lorsqu’ils comprennent qu’il y a une exploitation éhontée de la situation, sont sans merci face à un mari récalcitrant.
Mais face à ces succès, il y a aussi des échecs révoltants ; Comme celui d’une affaire qui soulève un tollé ces derniers jours en Israël, une femme ultra-orthodoxe, qui attend depuis 30 ans son guet !!sans que le Tribunal de Jérusalem saisit du dossier ne réussisse à la libérer.
Avant d’écrire Le Nouveau ghetto, en octobre 1894, Herzl ne croit pas à la possibilité d’un état juif. Quelques semaines après la rédaction de la seconde version, fin avril 1895, il aura l’illumination qui l’amène à rédiger L’Etat juif.
La pièce vient d’être traduite en français par Yéhouda Moraly et Michèle Fingher et est publiée dans une nouvelle collection : A La redécouverte du théâtre juif animée par les amis du Voyage de Betsalel qui publie également de très beaux livres sur les arts juifs.
Une pièce de théâtre, essentielle pour comprendre le parcours de Herzl. Avant son écriture en 1894, Herzl pensait que l’assimilation résoudrait le problème juif. L’écriture du Nouveau Ghetto lui montre l’impossibilité de cette solution. Quelques semaines plus tard il rédige l’Etat juif.
Au-delà du pathétique avocat juif, absurdement tué dans un duel absurde, victime de ses rêves d’assimilation, impossibles, on entrevoit le nouvel homme israélien, création de ce dramaturge devenu prophète, Théodore Herzl.
Yéhouda Moraly répond à nos questions
KB : Théodore Herzl était donc un dramaturge ?
YM : On oublie souvent que Théodore Herzl était, avant tout, un dramaturge et un dramaturge célèbre dont les pièces étaient jouées dans les plus grands théâtres viennois.
KB : De quelle sorte étaient les pièces qu’il écrivait ?
YM : C’étaient des pièces gaies faites pour amuser le public : Tabarin, Le petit garçon de maman, Sa Majesté, etc… De 1880 à 1894, c’est presque une pièce par an que Herzl écrit et fait jouer.
KB : 1894, c’est l’année où il arrive à Paris, comme journaliste, envoyé spécial du prestigieux Newe Frei Press.
YM : Oui. Et c’est à Paris qu’il écrit sa plus belle pièce, Le Nouveau ghetto, dont l’écriture va avoir sur lui une impression profonde puisque, avant sa rédaction, en octobre 1894, c’est un Juif assimilé qui ne croit pas au retour des Juifs en Israël et que, quinze jours après la rédaction de la deuxième version de la pièce, il compose L’Etat juif.
KB : Alors que s’est-il passé ?
YM : La pièce est entièrement autobiographique et sa composition a agi sur Herzl comme un processus psychodramatique. Il s’est entièrement projeté dans le héros de la pièce, Jacob Samuel, avocat, comme lui, très admiratif de la culture occidentale et désireux de s’y assimiler autant que possible, comme lui, pas très admiratif des Juifs d’argent ni des rabbins, comme lui, fils unique d’une mère possessive, comme lui et marié à une femme d’un milieu plus aisé que le sien, et qui ne comprend rien à ses états d’âme.
KB : Comme lui. Vous voulez parler de la malheureuse épouse d’Herzl, Julie Naschauer ?
YM : Oui, cette pauvre Julie avec laquelle il ne s’est jamais très bien entendu et dont il a brûlé l’immense fortune pour bâtir son rêve sioniste. Donc, ce double d’Herzl est dans la pièce, trahi par ses amis non-Juifs. Son ami intime, Frantz, adhère à un parti antisémite et ne veut plus avoir de rapports avec lui. Jacob défend de toutes ses forces, au nom de l’honneur, un aristocrate qui ne voit dans sa conduite qu’une ruse raffinée, le provoque en duel et le tue.
KB : Une pièce terrible, basée sur un fait réel ?
YM : Oui. En 1892, le Marquis de Morès, antisémite ardent, avait provoqué en duel un jeune capitaine juif, Armand Mayer et l’avait tué. C’est l’époque où les aristocrates français provoquent systématiquement les Juifs en duel, un exercice auquel, évidemment, les Juifs sont moins experts.
KB : Alors qu’est-ce qui s’est passé dans la tête d’Herzl ?
YM : Par le biais de son personnage principal qui meurt, victime de ses valeurs occidentales (la noblesse, l’aristocratie des sentiments), Herzl comprend par l’écriture que les Juifs n’ont plus rien à faire en Europe et qu’ils doivent retourner en Israël pour y retrouver une identité perdue.
KB : Une idée neuve à l’époque ?
YM : Pas vraiment, beaucoup y pensèrent déjà. Et en 1894, Herzl avait pu voir une pièce d’Alexandre Dumas fils, La Femme de Claude (1873) où un Juif, Daniel, retourne en Israël pour y rebâtir le pays, accompagné de sa fille. Encore une pièce française, sioniste avant la lettre, qu’il faudrait redécouvrir.
KB : Le Nouveau ghetto a été joué ?
YM : Oui, en 1897, à Vienne et à Berlin. Mais jamais en Israël ou ailleurs. Et pour ceux qui voudraient continuer cette lecture, elle vient d’être publiée dans une collection francophone, « A la redécouverte du Théâtre juif ». Et un article consacré à cette pièce est paru dans une nouvelle revue francophone A la page, Numéro 1.
KB : Et en hébreu ?
YM : Il existe une traduction en hébreu mais qui a été faite en 1898. Une nouvelle traduction vient d’être effectuée –et il faudrait absolument pour rendre hommage à Herzl, ce dramaturge devenu visionnaire, la faire jouer ou au moins s’en souvenir. Bientôt le 27 août, c’est l’anniversaire du premier Congrès de Bâle. Ça serait une bonne occasion pour au moins effectuer une lecture publique, en zoom peut-être, de cette pièce oubliée à l’origine de la création de l’Etat d’Israël.
L’époux “agoun” face à une épouse qui refuse de recevoir son guet est un sujet dont on parle beaucoup moins que le drame de la femme agouna.
Le cas d’un mari “agoun”, est certes bien moins grave dans ses conséquences. Alors qu’une femme agouna, ( son mari refuse de lui donner son guet ) n’a aucune issue, le mari “agoun”, ( sa femme refusant de recevoir le guet), a du point de vue de la halakha plusieurs possibilités de continuer sa vie, y compris celle de se remarier (bien que l’autorisation d’un second mariage soit compliquée à obtenir). S’il a un enfant avec une autre femme, cet enfant sera légitime alors que dans le cas d’une femme sans guet, cet enfant sera “mamzer”, batard.
Tout en étant beaucoup moins dramatique pour le conjoint, l’attitude d’une femme qui refuse de recevoir son guet, est tout aussi reprochable. Comme pour la agouna, il y a là une exploitation inacceptable de la Loi juive. Ce que nous disons pour défendre la femme agouna, doit aussi être dit pour l’homme agoun. Lorsqu’il n’y a plus de chance de “shalom bait”, de vie maritale, le guet doit être donné immédiatement par l’époux et doit être reçu immédiatement par l’épouse.
Grâce à une décision d’une importance majeure pour le droit de la femme, décision datant d’un millier d’années, décrétée par Rabbenou Guershom, Meor Hagolah, (c. 960 -1040), un des premiers et des plus importants décisionnaires halachiques du monde ashkénaze, le divorce juif, le guet ne peut plus être donné par l’homme sans le consentement de l’épouse. L’épouse doit accepter le guet et le recevoir directement ou par un émissaire nommé par un Beit Din.
Le phénomène de femmes qui refusent de recevoir leur guet n’est pas rare. Selon les données des Tribunaux rabbiniques, il serait même plus important numériquement que le nombre de maris refusant de donner le guet à leur femme.
Cette semaine, la Cour Suprême saisi en appel par l’épouse qui refusait de recevoir son guet a tranché et donné raison à l’époux. Pour la Présidente de la Cour, la Juge Esther Hayout, le chantage de l’épouse est condamnable et la Haute Cour a donné raison au Tribunal rabbinique qui avait condamné la femme a une amende journalière de 150 shekels, puis de 220 shekels tant qu’elle refusera de recevoir son guet que l’époux a déjà déposé devant le Beit Din.
Le couple qui s’est marié il y a trois ans, s’est séparé après quelques jours de mariage. L’époux sous le conseil du Beit Din a accepté de transmettre à l’épouse les cadeaux du mariage pour une valeur de 60.000 shekels. Mais l’épouse continue depuis trois ans a refusé le divorce.
Dans le même dossier, La Haute Cour a par contre rejeté la décision du Beit Din de réduire la valeur de la Ketouba de l’épouse de 500 shekels par jour, tant que le refus de recevoir le guet se poursuivrait et permet ainsi à la femme de demander sa kétouba dans son intégralité, une fois qu’elle aura accepté de recevoir le guet.
Après 14 ans !!! d’attente Vicky Tzur a reçu son guet ce matin au Beit Din de Netanya.
L’histoire débute à la fin de l’année 2006. Le mari de Vicky décide de divorcer. Quelques mois plus tard, il quitte Israël, abandonne sa femme et ses quatre enfants et s’installe en Argentine. Les premières années, Vicky espère que la crise est temporaire. Les années passent. En 2013, Vicky comprend que son mari a refait sa vie en Argentine et qu’il refuse de lui donner son guet.
Le Département des Agunot du Tribunal rabbinique d’Israël se saisit du dossier en 2016. Depuis lors des négociations sont menées avec le mari par l’intermédiaire du rabbinat d’Argentine et du Grand Rabbin Gabriel Davidovitch. Vicky céde sur presque tout. En vain. Nous tentons presque tout, mais à chaque concession de Vicky, l’époux à une nouvelle exigence, parfois très technique et sans importance, parfois une exigence financière, et les mois passent, sans que nous arrivions à mener une négociation sérieuse. Après avoir pendant des années dit clairement non, il choisit une nouvelle tactique et fait trainer le processus. Des accords sont échangés. Mais rien n’avance. “Katy me dit Vicky, vraiment je ne comprends pas comment cela peut être possible. On ne peut rien faire ? Lui continue sa vie, et moi…”. La révolte de Vicky semble sans issue.
En novembre 2019, avec l’aide de l’organisation Yad laisha, une procédure contre l’époux pour dommage et intérêt débute. La Cour de Justice après plusieurs mois de procédure donne gain de cause à Vicky et impose une amende de 720.000 shekels à son époux. Mais, toujours en Argentine, il continue à refuser, malgré les pressions presque quotidiennes du rabbinat d’Argentine.
Le dénouement se produit, il y a une quinzaine de jours, en pleine crise de Corona, le Rav Davidovitch réussit à convaincre l’époux. Une autorisation spéciale est donnée pour pouvoir sortir malgré le confinement très sévère imposé à Buenos Aires. La semaine dernière l’époux a remis le guet au Rabbinat d’Argentine et vendredi, le guet, le guet-shlihout est arrivé en Israël. ” Vicky a retrouvé sa liberté après 14 ans de cauchemar.
Ce nouveau combat montre que même lorsque l’époux récalcitrant se trouve à l’étranger, la justice israélienne peut agir et réussir. Certes, le combat a été long, ardu, douloureux. Mais aujourd’hui Vicky est libre.
Le 17 décembre prochain, à 10 heures, une allée proche du Théâtre Marigny et des Champs Elysées sera nommée au nom d’une écrivaine au talent très rare, Jeannine Worms (1920-2006), à la fois essayiste, romancière et dramaturge.
La cérémonie de la pose de la plaque sera présidée par Anne Hidalgo, Mairesse de Paris.
Or, le même jour, à quelques milliers de kilomètres de là, au Théâtre de Jérusalem, salle Mikro, aura lieu la première en hébreu des Comédies minute de Jeannine Worms, qui écrivait des pièces très cruelles, très drôles et très rapides, des tragédies seconde de quelques phrases.
On peut supposer que ce n’est pas par hasard et que le metteur en scène Roy Horowitz ou les traducteurs, Yehuda et Sara Moraly, ont voulu que la première coïncide avec la remise de la plaque au nom de la dramaturge.
Il n’en est rien. C’est par pur hasard (mais on sait que le hasard n’existe pas) que les deux événements se déroulent le même jour. Et cette coïncidence n’est que la signature d’une série de coïncidences qui ont fait que des événements déroulés en Israël ont déterminé des événements se déroulant à Paris.
Jugez donc. Il y a assez longtemps, paraît dans Bama, le journal israélien spécialisé dans les Arts du spectacle, une pièce de Jeannine Worms, Mougnou Mougnou. Deux femmes papotent près du landau de leurs bébés –mais on s’aperçoit vite que les bébés qu’elles bercent sont des créatures spéciales qui vont s’entredévorer. Cette pièce, parmi les dizaines écrites par Worms, est jouée par deux femmes, l’une du style je sais tout, l’autre, la femme numero 2,du style nunuche dont la naïveté donne des ailes à sa savante partenaire. La pièce, magistralement traduite par Mikhal Zupan, a séduit une étudiante, Victoria Menasherov qui décida de faire un mémoire de maîtrise sur Jeannine Worms. La directrice de cette recherche, Sharon Leavi Aronson, se passionna pour le Théâtre de Worms et, devenue Chef du Département d’études théâtrales à Tel Aviv organisa, en collaboration avec Sefi Handler, le directeur de la Galerie d’Art de l’Université, une exposition « Manières de table » où étaient jouées deux pièces de Jeannine Worms, encore deux pièces de femmes, Le Goûter et La recette –encore deux pièces à l’humour noir et grinçant qui la caractérise. Ces pièces où la nourriture est centrale, une nourriture très spéciale puisque les deux femmes mangent leurs maris.
Yehuda Moraly, très admiratif du Théâtre de Worms, écrivit à l’occasion un texte de présentation qu’il destina, en hébreu, au catalogue de l’exposition, en français à une nouvelle revue francophone, A la page. Ce texte, envoyé en France, séduit Malka Markovitch, qui le publia dans son site, Palmyre. Or, Malka Markovitch venait de rééditer son livre Parisiennes, un livre consacré aux rues de Paris portant des noms de femmes. Elle était très consciente du peu de rues parisiennes portant des noms de femmes et désireuse de multiplier ces rues. Elle proposa alors à la Mairie de Paris le nom de Jeannine Worms. La très impressionnante carrière de celle-ci, son œuvre considérable, publiée chez des éditeurs prestigieux, firent le reste. Et, après un an de démarches et d’efforts, ce qui est très peu, voici Jeannine devenue allée, mais pas n’importe où, à côté de l’allée Marcel Proust, non loin des Champs Elysées et non loin du domicile où elle vivait, quand elle vivait, rue du Faubourg Saint-Honoré.
Que ce soit un spectacle israélien qui ait finalement provoqué cette nomination est assez extraordinaire, comme le fait que le même jour, elle se fasse découvrir, par ces pièces rapides, cris de désespoir, de délire, au public israélien.Jeanne Worms était juive mais n’avait rien d’une sioniste. Mais la voilà, post mortem, faisant une alya artistique. Elle est la représentante d’un groupe peu connu, celui des dramaturges juifs français, de Feydeau (sa mère était juive), à Ionesco (sa mère était aussi juive), à Tristan Bernard, Alfred Savoir, (Poznanski), Fernand Nozière (Weill), Grumberg, Vinaver, Yasmina Reza, Danièle Chalem, Kalisky, etc, etc…
Un Judaïsme qui, souvent ne s’avoue pas, mais qu’on perçoit, au-delà des gags ,des cabriole.Un humour absurde, féroce, qui pourrait bien caractériser les créateurs juifs. Le fantôme des Marx Brothers passe à travers les lignes du Théâtre de Worms.
Espérons que le public du 17 décembre soit sensible à cet humour complexe et tourmenté.