Une heure avec le Rav Sherlo

Le Rabbin Sherlo charismatique, éducateur, intellectuel, la quarantaine à peine dépassée est un des nouveaux leaders de la jeunesse religieuse sioniste. Sherlo avec d’autres rabbins, a fondé Tsohar, dans le but de renforcer le courant des «  kippas tricotées « , surnom, donné ces dernières années au courant du judaïsme religieux sioniste, volonté de se démarquer des « kippas noires «  des tenants du courant ultra orthodoxe.

Sherlo représente la nouvelle tendance des rabbins du courant religieux sioniste, qui au nom d’un pragmatisme induit par les événements, tient des discours modérés. L’objectif, calmer le jeu, éviter que les lignes de fractures déjà claires se transforment en plaies béantes.

Comme la plupart des rabbins de son courant, Sherlo tente d’éviter les aspects politiques. « Personne ne sait ce que sera la politique des gouvernements d’Israël dans les prochaines années. Est ce que Gaza n’est qu’un début, ou au contraire est ce que la présence israélienne en Judée et Samarie sera renforcée. Ce qui nous importe aujourd’hui est de redonner un sens, un contenu aux valeurs juives et de dire, après Gaza, nous devons continuer. »

 

Nous devons aussi encourager un dialogue entre religieux sionistes et laïcs. Nous devons par exemple pénétrer le système scolaire laïc,

enseigner dans des écoles laïques et non plus seulement dans des écoles religieuses,  nous devons apprendre à nous connaître, à se redécouvrir.   Nous devons être à la recherche d’un consensus .

New Family, New Ketouba?

Irit Rozenblum, avocate, dirige l’organisation New Family qui prône une libéralisation du mariage et l’institution du mariage civil. Sachant que j’étudie depuis quelques mois les lois du mariage juif et du divorce elle m’a transmis ce matin les résultats d’une enquête réalisée par son organisation.

“Une majorité de jeunes couples signent des contrats de mariage. Le  traditionnel contrat de la ketouba n’est plus suffisant pour faire face aux défis d’un couple moderne estime Rozenblum. Un avis partagé par 68 % des couples laïcs, 54 % des couples traditionnels et encore plus surprenant par 15 % des couples orthodoxes. Bien que les chiffres officiels n’existent pas,  nous estimons que près de 80 % des couples non religieux signent un contrat de mariage avant le mariage, contrat gérant les questions financières.

Certains contrats comportent même une clause, faisant référence à un éventuel refus de l’époux d’accorder le divorce, le guet. Le contrat garantit automatiquement ce droit pour protéger la femme du statut d’Aguna. Ce statut spécifique au droit juif est celui d’une femme qui ne peut se remarier en raison du refus du conjoint de lui accorder le guet ou si son mari a disparu sans laisser de traces.

J’explique à Rozenblum que cette clause divise le monde religieux.  Les tribunaux rabbiniques orthodoxes refusent pour l’heure une telle cause, alors que certains rabbins de la tendance sioniste religieuse l’accepte.

New Family s’attaque aussi au coût de l’inscription au mariage en Israël. Une entreprise financière fructueuse pour le rabbinat avec des revenus de près de 60 millions de shekels par an, 9.5 millions d’euros environ selon l’évaluation de New Family. Les frais d’inscription au mariage sont en Israël de 140 dollars, moins qu”en Autriche ( 180 $ ) mais nettement plus qu’en Grande Bretagne ( 57 $  ) qu’à Chypre, ( 88$  ) qu’en Allemagne( 53% ) , qu’aux Etats Unis ( 25 $  ) et bien sûr qu’en France où l’inscription au mariage civil est gratuite.

Y a-t-il une liberté de la presse en Israël ?

HAARETZIsrael HayomYedihotmaariv

 

Je sais qu’en écrivant ce Post, je prends le risque de mettre en colère plusieurs de  mes confrères. ” Katy, tu te trompes, tu exagères, tu comprends mal ” m’ont répondu maintes fois des journalistes des grands journaux, lorsque je présentais les limites de la liberté de la presse en Israël. J’accepte les critiques. Mais je persiste et j’accuse.

 

Les trois grands journaux du pays sont la propriété de trois familles qui  défraient la chronique des pages people, ce qui en soit pourrait être sympathique. Ces trois familles concentrent surtout à elles seules un pouvoir  qui nuit à une liberté réelle de la presse. Notamment sur la couverture économique et sociale, la presse israélienne est prisonnière d’une élite. Le pouvoir de ces trois familles s’est renforcé ces dernières années avec des prises de participations dans les médias électroniques, TV et web.

 

Le Yedihot, premier journal du pays appartient à la famille Moses. Ce groupe de presse, à travers maintes publications, le journal féminin La Isha et la chaine de journaux locaux, est devenu un empire financier et politique. Le journal a mené ces dernières années des enquêtes et révélé des scandales qui ont changé le cours de la vie politique. Comment les thèmes des enquêtes ont-ils étaient choisis.  Difficile de le dire. Et une question. Pourquoi le journal fait-il preuve de partialité “sympathique” envers Silvan Shalom. Shalom pour les lecteurs de mon blog qui ne sont pas dans la confidentialité des potins mondains est marié avec une des héritières de l’empire de presse, Judy Shalom Nir Moses, elle même journaliste célèbre.

 

Une autre grande famille, la famille Shoken, d’origine allemande, contrôle le Haaretz. Fondé avant même la création de l’Etat d’Israël, le Haaretz est le journal de référence, intellectuel avec un poids énorme dans les combats politiques. Résolument à gauche, anti-clérical virulent, le journal a doublé cette puissance dans le domaine des idées d’un pouvoir financier grâce à un puissant réseau de journaux locaux.

 

Le concurrent du Yedihot, le Maariv, a été racheté par une autre grande famille, qui contrairement aux familles Moses et Shoken est relativement nouvelle dans le club des élites. Les Nimrodi, d’origine iranienne ont   fait leur fortune dans de juteuses affaires de ventes d’armes avant d’investir dans l’assurance et la presse.

 

Dans ce contexte, l’expérience du Israël Hayom, est comme une bouffée d’air. Avec un modèle fort différent – le journal est distribué gratuitement – ce journal menace de ravir le tirage du Maariv et couvre l’actualité avec une équipe de journalistes célèbres, lassés de dépendre des états d’humeurs des magnats de la presse familiale.

Une vietnamienne à Tsahal

La majorité des Vietnamiens accueillis par Menahem Begin vivent en autarcie. En majorité bouddhistes, en minorité catholiques les Vietnamiens accueillis en Israël à la fin des années 70 restent attachés au culte religieux mais sans fanatisme. Les rites sont respectés mais les lieux de prières rarement fréquentés. Cette petite communauté n’a jamais été organisée. Les réfugiés vietnamiens  n’ont jamais voulu agir comme groupe de pression se suffisant d’une vie en famille pour défendre au sein du cercle familial leur patrimoine culturel.

 

Lydia a fait un autre choix. Mariée à un israélien et mère de trois enfants aux yeux bridés de leur mère et aux cheveux bouclés et clairs de leur père elle estime que son  cheminement a en fait été le meilleur moyen d’intégration.

” Le service militaire et la conversion au judaïsme sont un passage obligé de l’intégration. Nous sommes plusieurs dizaines de familles issues de ces mariages mixtes.  L’alternative, c’est vivre en autarcie. Je n’ai pas voulu vivre dans un ghetto vietnamien en Israël. J’ai du pour cela confronter des conflits familiaux dans cette société vietnamienne traditionnelle où le respect du père reste une valeur suprême.  Mes parents m’ont menacé  de rupture lorsque après trois ans d’armée je leur ai annoncé mon  intention de me marier avec un israélien juif. Lorsque le premier petit enfant est né, ils m’ont de nouveau accepté.

 Lydia explique tout de même que son pays natal restera à jamais le Vietnam. ” Mes enfants ne parlent que l’hébreu, mais lorsqu’ils grandiront je  les amènerais voir le pays de leurs aïeuls.”

La génération des fiers

Je viens de parcourir un livre à la fois passionnant et effrayant sur les jeunes arabes israéliens. 

La génération des fiers est le titre du livre parut ces jours ci en Israël, fruit d’une vaste étude réalisée  par deux chercheurs israéliens, un arabe Hawla Abou Baker et un juif  Dani Rabinovitch auprès des jeunes arabes israéliens étudiants, salariés, indépendants, religieux et laïcs, musulmans et chrétiens.

Leurs réflexions  reflètent l’air du temps au sein de la troisième génération des arabes israéliens. Des réflexions qui pour la plupart  augurent des lendemains difficiles. Pour le jeune arabe israélien, Israël n’est qu’un moyen technique, instrumental  permettant de posséder une nationalité, un passeport, une liberté de voyager dans le monde, une infrastructure du quotidien, des services de santé gratuits.  Pour le reste, Israël ne représente pour eux rien de positif.

 Cette troisième génération des arabes israéliens se considère  d’abord comme des patriotes palestiniens. Leur désir profond est qu’Israël cesse d’être un pays juif et sioniste et devienne  un Etat offrant des droits égaux à chaque communauté juive musulmans et chrétiens. Contrairement aux deux générations qui l’ont précédé la génération des fiers exige des droits collectifs, nationaux et ne se suffit plus d’une  parité économique et sociale

Le changement est aussi dans le ton. Fort de leur connaissance interne de la société israélienne et de ses faiblesses la jeune génération exige,  regarde de haut les dirigeants israéliens, parle dans un hébreu châtié, n’a plus dans le regard, la crainte et la soumission  de leurs parents et grands parents.

Leur jugement du  leadership arabe est  fait de dédain, de rejet, accusé d’acquis cosmétiques et superficiels.  «  Nous sommes des Palestiniens et fiers de l’être. Notre nationalité israélienne ne fait pas d’Israël notre patrie. Nous n’acceptons pas d’être des citoyens de seconde zone sur notre terre. Nous sommes des Palestiniens vivant en Israël et certainement pas des Arabes israéliens ou Arabes d’Israël. »

 

D’abord patriotes palestiniens ensuite citoyens israéliens ils rejettent aussi la possibilité de devenir citoyens d’un Etat palestinien. C’est sur cette terre qu’ils estiment la leur qu’ils entendent vivre.

 

Surfer en habit noir

HAREDIM WEBbh_logo LADAAT HAREDIM WEB

Décriée par les autorités rabbiniques,  la Toile fait de plus en plus d’adeptes auprès de la communauté ultra religieuse.  Les menaces virulentes des rabbins n’ont pour l’heure aucun effet sur la majorité des internautes orthodoxes.

Quelles seront les conséquences à long terme de ce succès ”interdit” ? Un jeune orthodoxe de 16 ans, étudiant brillant dans une grande yeshiva de Jérusalem me répond que le débat sur le web  virtuel, presque irréaliste est comme une bouée de secours pour mieux respirer dans un monde difficile. ” Contrairement à ce que dit le Rav de ma yeshiva, jamais le web ne m’entrainera à quitter la vie juive et à remettre en question ma fidélité à Dieu.”

Une jeune femme orthodoxe, étudiante en droit qui m’assiste dans les recherches que je méne sur les femmes orthodoxes pense que ” le web va changer la société orthodoxe. Des milliers de personnes  surfent et participent chaque jour à des forums sur des questions cruciales de la vie quotidienne, du droit personnel, de la vie des femmes, des finances, de l’éducation, le  web nous changera! “

 

 Selon les prestataires de service 30 % des orthodoxes en Israël surfent  sur le web. Si les milieux hassidiques et lituaniens, utilisent très peu le web pour chercher un conjoint, la méthode est devenue à la mode, chez les Loubavitch et dans certains milieux sépharades.

Les sites à succès diffusent des informations sur le quotidien du monde orthodoxe, discours des rabbins, manifestations, inauguration d’une nouvelle yeshiva etc. Des sites spéciaux, véritables carnets, permettent de tout savoir sur les naissances, mariages et décès.

Les sites qui proposent une assistance psychologique se sont aussi multipliés. Sortes de microsites, ils se concentrent sur un problème spécifique, souvent tabou comme le divorce, la violence au sein de la famille, l’homosexualité, l’expulsion de la yeshiva, les conflits familiaux. Certains  sites se sont spécialisés dans les attaques parfois virulentes contre l’establishment orthodoxe et révèlent, sous le couvert de l’anonymat, des scandales dans la direction d’institutions ou des malversations financières.

Parmi les sites les plus populaires, on trouve évidemment,  les sites proposant des ” shidour “. La célèbre institution juive des rencontres en vue d’un mariage connait sur le web, une nouvelle jeunesse. Dans beaucoup de cas, raconte une jeune fille loubavitch qui a rencontré son fiancé sur le web, tout commence dans le virtuel. On fait ensuite intervenir un frère, un beau-frère pour enrober cette rencontre peu conventionnelle de respectabilité.

Ce sont surtout les forums sont qui attirent les internautes orthodoxes. Loin des regards de l’establishment religieux, des censures culturelles et religieuses, les orthodoxes, surtout les jeunes se permettent une liberté de ton, s’expriment avec une créativité surprenante sur la perception des problèmes de société, créant un véritable débat sur des sujets tabous. 

 

Des cicatrices dans les âmes

 

Le retrait de Gaza a laissé des cicatrices dans les âmes des adolescents. C’était une après midi brûlante de l’été 2007, quelques deux ans après le retrait de Gaza, sur les pelouses du kibboutz religieux de Hefetz Haim, près d’Ashkelon. Je prépare un papier sur le monde religieux après le retrait de Gaza. Pas un papier politique. Je laisse de coté la controverse politique sur le bien fondé ou non de la politique d’Ariel Sharon pour raconter la détresse personnelle, l’histoire  d’hommes, de femmes et d’enfants bousculés par les courants de l’histoire.

 

Ils ont entre 17, 18, 19 ans. Il y a deux ans ils habitaient le Goush Katif. Ils  sont assis en rond sur les pelouses du kibboutz et tentent de comprendre.  Voici quelques propos que j’ai alors notés:

Noam : « Je devais entrer dans l’armée, dans quelques mois. Je ne peux plus aujourd’hui, je ne me vois pas servir dans une  armée qui a expulsé ma famille de sa maison. Je me sens humilié, trahi, jeté aux loups, rejeté par mon armée, par mon pays. « 

Dan : « Tsahal et nous, c’est fini. Je réfléchis depuis quelques jours et j’ai décidé d’entrer dans une yéshiva pour étudier la Tora, au lieu de servir dans Tsahal. Moi qui étais un fervent de l’Etat d’Israël, du sionisme, je ne me reconnais plus aujourd’hui face à ces valeurs et je me demande si le judaïsme orthodoxe n’est pas plus honnête. L’Etat d’Israël, s’il n’est plus respectueux d’Eretz Israël, de la terre d’Israël doit perdre sa centralité. Comme disent les orthodoxes, comme le pensent beaucoup de juifs en Diaspora, on peut être juif, sans Israël. « Et de sortir de sa poche une kippa noire en enlevant la kippa aux couleurs orange et verte.

Rami : « Tu vas quand même un peu loin. Au lieu de tout briser, nous devons nous poser des questions.  Pourquoi notre combat a t-il échoué, pourquoi n’avons nous pas réussi à convaincre le public et les leaders politiques.

 Nissim : « Depuis la création de l’Etat d’Israël, nous avons vécu comme dans un ghetto au sein de la société israélienne. Des écoles séparées, un mouvement de jeunesse, des quartiers d’habitation à nous, et surtout une appropriation du « grand Israël « , comme si vivre à Ariel ou dans le Goush Katif était plus sioniste que de travailler à Tel-Aviv ou de cultiver la terre du Néguev. «