Le Pessah de Nathan Sharansky

 

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Où l’homme se sent-il libre ? Dans les rues colorées, turbulentes, avenantes de Jérusalem, de Tel Aviv, d’Israël, cette veille de Pessah, ou dans un cachot noir et glacial au fond de la Sibérie ?

Cette question étrange a été posée par Nathan Charansky. L’ancien prisonnier de Sion, raconte sur la Channel Two de la télévision israélienne, à la journaliste Sivan Rahav Meir,  Pessah en Sibérie, dans la prison soviétique.

” Je n’avais pas de matzot, pas de livre de la Hagada de Pessah. J’étais au fond d’un cachot avec d’autres juifs. Alors j’ai passé la nuit à raconter l’esclavage et la liberté, la sortie d’Egypte. Nous avons tous senti  la liberté. Au fond de ce cachot, en racontant la liberté de nos ancêtres, nous devenions libres, au plus profond de nous mêmes.

Dans un cachot, les choses sont nettes, presque limpides. Du noir et du blanc. Facile de définir le bon et le mal. Facile de différencier le gentil du méchant. Nous étions du côté des bons, d’un peuple avec un passé, héritiers d’hommes qui ont su acquérir la liberté.

Dans la société moderne,  la lutte pour la liberté est un combat âpre. Face à des tentations multiples, à des jougs de toutes sortes, l’homme méne un combat héroïque pour gagner sa liberté, pour réussir à être  ben ‘horin, pour acqyérir ce sentiment de plénitude qu’est la liberté, la vraie.”

HARNIK NATIPhoto GPO Harnik Nati, Nathan Charanshky le 2 novembre 1986, à son arrivée en Israël, avec sa femme, Shimon Pérès et Itshak Shamir.

Le syndrome de Pessah

 

 

L’agitation perpétuelle de la société israélienne donne déjà le vertige. A la veille de Pâques, le bouillonnement devient explosif. Le stress est la marque de fabrique de la fête. Comme si chacun, son balluchon sur l’épaule, allait, bel et bien quitter l’Egypte, fuir l’esclavage, traverser la Mer Rouge et entamer sur les pas de Moshé, un voyage de quarante dans le désert, pour arriver en terre promise. Mais vous y êtes, en terre promise! Israël, le pays où coulent le lait et le miel, où Prada et Porche ont pignon sur rue, où la liberté n’a parfois aucune limite, où la prospérité est, pour certains, à portée de main. Non et non! Les Israéliens se croient sur une scène de théâtre. Pendant quelques semaines, ils deviennent acteurs de leur histoire millénaire. En regardant l’affolement et la surexcitation des veilles de Pâques, on croirait lire les versets de l’Exode.

La logique perd ses droits. Si les clichés ne disent en général rien du réel, ce n’est pas le cas de Pâques. Le matériau principal de cette fête est fait d’un mélange de tension, de nervosité, d’angoisse et d’impatience. Chacun carbure pour l’autre. L’air du temps suscite une semi-terreur. Les carnets de rendez vous se figent. Rien! Ne me demandez rien! Mais justement c’est pour Pâques que… ! Rien ! Après Pâques ! Personne ne vous accordera ici un rendez vous, ni le peintre, ni le médecin, ni votre client. Campée sur son comptoir, la caissière tape des chiffres à l’infini. Dans les magasins bondés, il faut pousser des coudes, pour dénicher une belle jupe au prix maxi. Le piéton prend des risques pour se frayer dans les rues bondées. Jusqu’à l’aube, les chariots des supermarchés crissent entre les allées. Les voitures klaxonnent au quart de seconde en se demandant pourquoi le rouge n’a pas encore virer au vert. Même la charité se fait bouillonnante. Comme si les pauvres ne mangeaient qu’à Pâques. Les organisations caritatives placardent des affiches « Mettez dans ce carton une bouteille d’huile, un paquet de sucre et des friandises pour les pauvres» et ramassent de quoi nourrir  une nation pendant des mois. Devant papi et mami fiers et amusés, les adolescents peignent avec énergie les murs. Les balcons et les jardins fleurissent à plaisir. Sur les rives du Jourdain, à la frontière avec le Liban, les bateliers des kibboutz astiquent les kayaks à touristes.

Parés de leurs apparats des grands jours, les rabbins procèdent à la vente du hametz du pays à Mahmoud, l’habitant du village d’Abou Gosh. À Kfar-Habad, les Loubavitch font virevolter les  matzot dans leurs fours à bois.

Tsahal se laisse aussi tenter à ces remous. Adieu Hamass-Jiaad-Hizboulah. La grande opération logistique de la semaine est de rendre les cuisines des bases militaires « casher pour Pâques » explique très sérieusement le chef d’Etat major.

A l’approche de Pâques, la maitresse de maison virevolte de sa cuisine à son armoire avec la frénésie d’une danseuse du ventre. Il s’agit de tout finir à temps. Poussière, rangement, peinture, dégraissage, blanchissage. La forcenée de Pâques ne pense que balai, chiffon et eau de javel. Son regard embrase chaque matin ses armoires en remue-ménage et sa tension monte encore de quelques crans. Le dernier jour, l’excitation, l’affolement et l’horloge qui s’emballe créent des turbulences orageuses. Les risques d’hypertension menacent. Puis progressivement l’affolement s’apaise. La journée avait commencé sous des ruissellements de sueur. Elle s’achève en extase devant la maison astiquée et la ribambelle d’enfants en blanc immaculé. En blanc vaporeux de coton et de soie, la maitresse de maison regarde autour d’elle, presque surprise de la tempête qui s’est fait brise du printemps.

Et si le message était spirituel. Si la surexcitation était pour calmer les exaspérations de l’âme, pour sublimer l’esprit. Fête clef d’Israël, incontournable, passionnelle, parce que remise à zéro. Volupté des débuts, émerveillement de l’aurore, enchantement du nouveau, espoir des départs. Pâques est arrivé.

 

Had Gadia en ladino

Had Gadia est une des plus célèbres chansons de Pessah. Chantée à la fin du repas du seder, cette chanson symbolique mélange d’araméen et d’hébreu a fait l’objet de nombreuses  exégèses.

La plus connue, le Had Gadia, l’agneau, serait le peuple juif face aux nations qui tentaient de le chasser  de sa terre. L’Assyrie serait le chat, la Babylone, le chien,  la Perse, le baton, la Macédoine, le feu, le monde chrétien et Rome, l’eau et les Turcs serait l’ange de la mort. Et la fin de l’histoire, le peuple juif sauvé par Dieu. Une des plus belles interprétations de Had Gadia, est à mon avis celle de Shomi Shabbat, Had Gadia en ladino, en fait une adaption d’une chanson en italien, basée sur Had Gadia. Mais dommage, très court. Shabbat n’a en fait enregistré que deux couplets, dans le cadre d’une publicité qu’il préparait pour un opérateur de la téléphonie mobile.

Qu’importe, Une minute et trente secondes de plaisir, pour vous, ami d’En direct de Jérusalem, en cette veille de la Pâques juive 2013.

 

La sixième coupe de vin

                                                                              

Une famille en Israël  a décidé cette année de ne pas fêter Pessah. La fête de la liberté, la sortie d’Egypte, la fin de l’esclavage. “Comment pouvons nous chanter, fêter, boire les quatre coupes traditionnelles de vin alors que notre fils croupi, depuis quatre ans, dans un trou, sans liberté, sans espoir ” a expliqué Noam Shalit.

Ce soir, dans la maison Shalit, dans le village pastoral de Mitspé Hilla sur les hauteurs de la Galilée, il n’y aura pas de soirée traditionnelle du seder.

Face à la maison, des centaines de jeunes se sont donnés rendez-vous pour un seder de la solidarité. Nous représentons les Juifs d’Israël et de Diaspora qui ce soir seront en fête mais n’oublieront pas qu’un soldat d’Israël est encore esclave.

Pas de seder à Mispé Hilla, mais dans des milliers de foyers juifs  une chaise vide, une pensée, une prière, et à coté de la cinquième coupe de vin d’Eliahou Hanavi, que les Juifs placent sur leur table du seder, depuis plus de 2000 ans, au cas où, le prophète Eliahou, viendrait ce soir là, une sixième coupe pour Guilad.

Pessah, jour J moins cinq

A quelques jours du début des fêtes de Pessah, quelques images vues et entendues du Nord au Sud d’Israël

  • La fête de la sortie d’Egypte et de la consommation. Les grands supermarchés ouvriront 24 heures sur 24 à partir de ce soir
  • Une centaine de lycéens de Beer-shev’a se sont mobilisés pour faire le ménage et peindre les maisons des personnes âgées de leur ville
  • L’organisation de charité Latet (Donner) a placé dans tous les grands magasins du pays, des cartons. “Vous achetez pour votre famille, mettez dans ce carton une bouteille d’huile, un paquet de sucre… pour ceux qui n’ont pas.”
  • A Netiv Haassara, à la frontière entre Israël et la Bande de Gaza, les enfants dans les abris, confectionnent des décorations pour la soirée de fête
  • A quelques kilomètres de là, à Sdérot, Myriam fait son ménage. Les Kassam n’arrêteront pas Pessah m’explique t-elle
  • La petite phrase, devenue hymne national, à cette époque du calendrier juif  “Après la fête…”.
  • Mon amie Mical, pour justifier sa présence prolongée au café Roladin, m’explique que les Rabbins ont déjà tranché, la poussière ce n’est pas du Hametz
  • Mon autre amie Ety, pour justifier qu’elle n’a pas un instant pour parler au téléphone prend le temps tout de même de me rappeler ce qu’a dit il y a quelques jours la célébre rabbanit Yemima Mizrhahi, Nettoyez, nettoyez, le ménage de Pessah, est une des grandes expériences spirituelles du calendrier juif
  • En racontant ces deux histoires sur Radio J, j’ai conclut en appelant  chacun à choisir son camp
  • Le mouvement kibboutzique a lancé une campagne d’information appelant les familles dans le besoin à venir passé le seder de Pessah dans un des 250 kibboutz du pays. Socialisme version 2010, explique le secrétaire du kibboutz Ramat Rahel.
  • Selon les sondages publiés comme chaque année dans la presse, entre 85 et 92 % des foyers juifs israéliens fêteront le seder de Pessah,  80 % ne mangent pas de pain pendant cette semaine et 60 % ne mangeront que des produits cacher pour Pessah
  • Les balcons et les jardins d’Israël seront fleuris. Selon une enquête du Maariv, les Israéliens achétent deux fois plus de fleurs et de plantes la semaine précédant Pessah
  • La ruée vers le nord. Impossible de trouver une chambre d’hôtel ou un gîte
  • A Goshrim, les kayaks sont prêts sur le bord du Jourdain pour acceuillir les dizaines de milliers de promeneurs.
  • Yossi, directeur du centre de canoé-kayak: ” Depuis des années, avec la sécheresse, le kayak… bon, ce n’était pas vraiment ça. Mais cette année avec les pluies diluviennes, le kayak sur le Jourdain ce sera comme dans les Gorges du Verdon”
  • Les deux grands rabbins ashkénaze  et sépharade procéderont ce soir à la traditionnelle vente du Hametz de l’Etat à un arabe du village d’Abou Gosh, qui détiendra pour quelques jours, des centaines de millions de shekels…
  • A Kfar Habad, le village des Loubavitch, près de Tel Aviv, des milliers d’enfants viennent de tout Israël, voir la fabrique des matzot
  • Dans une des bases de Tsahal, à la frontière nord, les soldats mangent ”cacher pour Pessah”, déjà depuis une semaine.
  • Au centre d’intégration de Mevasseret Tzion, Nathan Charansky,l’ancien prisonnier de Zion, devenu président de l’Agence juive,  participe à un seder, organisé pour les quelques centaines de juifs éthiopiens arrivés en Israël ces derniers mois. Leur premier seder en terre d’Israël.

Israël,  Mars – Pessah 2010