De Haim Yavin à Benjamin Netanyaou

J’ai assisté au discours de Benjamin Netanyaou, sur le oui à un Etat palestinien, et je me suis rappelée un événement médiatique datant de 2005.

Une émission apparemment anodine sur le petit écran de la télévision israélienne. Haim Yavin, Mr Télévision, l’homme du consensus qui depuis plus de 30 ans présente le journal du soir, réalise une série, sur le face à face entre Israël et palestiniens.

Yavin obtient l’autorisation de produire la série pour la deuxième chaîne concurrente, et qui choisi de diffuser en pleine année 2005, l’année du retrait de Gaza, l’émission en heure de grande écoute. A la même heure, où les émissions de musique, de jeux à sensation et de talk show, font concurrence, Haim Yavin fait pénétrer dans le salon de chaque israélien, la réalité du quotidien dans les territoires palestiniens et en Israël.

Yavin sait parler et présenter. Il parle  à ses interlocuteurs, palestiniens et israéliens, habitants des implantations avec culot et sans ambages. Montrant une réalité à cru, passant d’un barrage où un grand-père palestinien, attend sous le soleil ardent le passage à un des attentats les plus dramatiques  de Jérusalem, où un médecin célèbre de la capitale et sa fille Nava qui devait se marier le lendemain, sont déchiquetés. Le terroriste était passé par un de ces passages.

Avec Haim Yavin en 2005, les israéliens découvrent une réalité qu’ils ne veulent plus. Lorsque Ariel Sharon dira à la veille du retrait de Gaza en juillet 2005, qu’Israël n’a pas été créé pour contrôler un autre peuple et gérer la vie de deux millions et demi de palestiniens, lorsque quatre ans plus tard, Benjamin Netanyaou parlera de la création d’un Etat palestinien, le message impensable quelques années plus tôt ne choque  plus.

 

Une heure avec le Rav Sherlo

Le Rabbin Sherlo charismatique, éducateur, intellectuel, la quarantaine à peine dépassée est un des nouveaux leaders de la jeunesse religieuse sioniste. Sherlo avec d’autres rabbins, a fondé Tsohar, dans le but de renforcer le courant des «  kippas tricotées « , surnom, donné ces dernières années au courant du judaïsme religieux sioniste, volonté de se démarquer des « kippas noires «  des tenants du courant ultra orthodoxe.

Sherlo représente la nouvelle tendance des rabbins du courant religieux sioniste, qui au nom d’un pragmatisme induit par les événements, tient des discours modérés. L’objectif, calmer le jeu, éviter que les lignes de fractures déjà claires se transforment en plaies béantes.

Comme la plupart des rabbins de son courant, Sherlo tente d’éviter les aspects politiques. « Personne ne sait ce que sera la politique des gouvernements d’Israël dans les prochaines années. Est ce que Gaza n’est qu’un début, ou au contraire est ce que la présence israélienne en Judée et Samarie sera renforcée. Ce qui nous importe aujourd’hui est de redonner un sens, un contenu aux valeurs juives et de dire, après Gaza, nous devons continuer. »

 

Nous devons aussi encourager un dialogue entre religieux sionistes et laïcs. Nous devons par exemple pénétrer le système scolaire laïc,

enseigner dans des écoles laïques et non plus seulement dans des écoles religieuses,  nous devons apprendre à nous connaître, à se redécouvrir.   Nous devons être à la recherche d’un consensus .

La génération des fiers

Je viens de parcourir un livre à la fois passionnant et effrayant sur les jeunes arabes israéliens. 

La génération des fiers est le titre du livre parut ces jours ci en Israël, fruit d’une vaste étude réalisée  par deux chercheurs israéliens, un arabe Hawla Abou Baker et un juif  Dani Rabinovitch auprès des jeunes arabes israéliens étudiants, salariés, indépendants, religieux et laïcs, musulmans et chrétiens.

Leurs réflexions  reflètent l’air du temps au sein de la troisième génération des arabes israéliens. Des réflexions qui pour la plupart  augurent des lendemains difficiles. Pour le jeune arabe israélien, Israël n’est qu’un moyen technique, instrumental  permettant de posséder une nationalité, un passeport, une liberté de voyager dans le monde, une infrastructure du quotidien, des services de santé gratuits.  Pour le reste, Israël ne représente pour eux rien de positif.

 Cette troisième génération des arabes israéliens se considère  d’abord comme des patriotes palestiniens. Leur désir profond est qu’Israël cesse d’être un pays juif et sioniste et devienne  un Etat offrant des droits égaux à chaque communauté juive musulmans et chrétiens. Contrairement aux deux générations qui l’ont précédé la génération des fiers exige des droits collectifs, nationaux et ne se suffit plus d’une  parité économique et sociale

Le changement est aussi dans le ton. Fort de leur connaissance interne de la société israélienne et de ses faiblesses la jeune génération exige,  regarde de haut les dirigeants israéliens, parle dans un hébreu châtié, n’a plus dans le regard, la crainte et la soumission  de leurs parents et grands parents.

Leur jugement du  leadership arabe est  fait de dédain, de rejet, accusé d’acquis cosmétiques et superficiels.  «  Nous sommes des Palestiniens et fiers de l’être. Notre nationalité israélienne ne fait pas d’Israël notre patrie. Nous n’acceptons pas d’être des citoyens de seconde zone sur notre terre. Nous sommes des Palestiniens vivant en Israël et certainement pas des Arabes israéliens ou Arabes d’Israël. »

 

D’abord patriotes palestiniens ensuite citoyens israéliens ils rejettent aussi la possibilité de devenir citoyens d’un Etat palestinien. C’est sur cette terre qu’ils estiment la leur qu’ils entendent vivre.

 

Surfer en habit noir

HAREDIM WEBbh_logo LADAAT HAREDIM WEB

Décriée par les autorités rabbiniques,  la Toile fait de plus en plus d’adeptes auprès de la communauté ultra religieuse.  Les menaces virulentes des rabbins n’ont pour l’heure aucun effet sur la majorité des internautes orthodoxes.

Quelles seront les conséquences à long terme de ce succès ”interdit” ? Un jeune orthodoxe de 16 ans, étudiant brillant dans une grande yeshiva de Jérusalem me répond que le débat sur le web  virtuel, presque irréaliste est comme une bouée de secours pour mieux respirer dans un monde difficile. ” Contrairement à ce que dit le Rav de ma yeshiva, jamais le web ne m’entrainera à quitter la vie juive et à remettre en question ma fidélité à Dieu.”

Une jeune femme orthodoxe, étudiante en droit qui m’assiste dans les recherches que je méne sur les femmes orthodoxes pense que ” le web va changer la société orthodoxe. Des milliers de personnes  surfent et participent chaque jour à des forums sur des questions cruciales de la vie quotidienne, du droit personnel, de la vie des femmes, des finances, de l’éducation, le  web nous changera! “

 

 Selon les prestataires de service 30 % des orthodoxes en Israël surfent  sur le web. Si les milieux hassidiques et lituaniens, utilisent très peu le web pour chercher un conjoint, la méthode est devenue à la mode, chez les Loubavitch et dans certains milieux sépharades.

Les sites à succès diffusent des informations sur le quotidien du monde orthodoxe, discours des rabbins, manifestations, inauguration d’une nouvelle yeshiva etc. Des sites spéciaux, véritables carnets, permettent de tout savoir sur les naissances, mariages et décès.

Les sites qui proposent une assistance psychologique se sont aussi multipliés. Sortes de microsites, ils se concentrent sur un problème spécifique, souvent tabou comme le divorce, la violence au sein de la famille, l’homosexualité, l’expulsion de la yeshiva, les conflits familiaux. Certains  sites se sont spécialisés dans les attaques parfois virulentes contre l’establishment orthodoxe et révèlent, sous le couvert de l’anonymat, des scandales dans la direction d’institutions ou des malversations financières.

Parmi les sites les plus populaires, on trouve évidemment,  les sites proposant des ” shidour “. La célèbre institution juive des rencontres en vue d’un mariage connait sur le web, une nouvelle jeunesse. Dans beaucoup de cas, raconte une jeune fille loubavitch qui a rencontré son fiancé sur le web, tout commence dans le virtuel. On fait ensuite intervenir un frère, un beau-frère pour enrober cette rencontre peu conventionnelle de respectabilité.

Ce sont surtout les forums sont qui attirent les internautes orthodoxes. Loin des regards de l’establishment religieux, des censures culturelles et religieuses, les orthodoxes, surtout les jeunes se permettent une liberté de ton, s’expriment avec une créativité surprenante sur la perception des problèmes de société, créant un véritable débat sur des sujets tabous. 

 

Des cicatrices dans les âmes

 

Le retrait de Gaza a laissé des cicatrices dans les âmes des adolescents. C’était une après midi brûlante de l’été 2007, quelques deux ans après le retrait de Gaza, sur les pelouses du kibboutz religieux de Hefetz Haim, près d’Ashkelon. Je prépare un papier sur le monde religieux après le retrait de Gaza. Pas un papier politique. Je laisse de coté la controverse politique sur le bien fondé ou non de la politique d’Ariel Sharon pour raconter la détresse personnelle, l’histoire  d’hommes, de femmes et d’enfants bousculés par les courants de l’histoire.

 

Ils ont entre 17, 18, 19 ans. Il y a deux ans ils habitaient le Goush Katif. Ils  sont assis en rond sur les pelouses du kibboutz et tentent de comprendre.  Voici quelques propos que j’ai alors notés:

Noam : « Je devais entrer dans l’armée, dans quelques mois. Je ne peux plus aujourd’hui, je ne me vois pas servir dans une  armée qui a expulsé ma famille de sa maison. Je me sens humilié, trahi, jeté aux loups, rejeté par mon armée, par mon pays. « 

Dan : « Tsahal et nous, c’est fini. Je réfléchis depuis quelques jours et j’ai décidé d’entrer dans une yéshiva pour étudier la Tora, au lieu de servir dans Tsahal. Moi qui étais un fervent de l’Etat d’Israël, du sionisme, je ne me reconnais plus aujourd’hui face à ces valeurs et je me demande si le judaïsme orthodoxe n’est pas plus honnête. L’Etat d’Israël, s’il n’est plus respectueux d’Eretz Israël, de la terre d’Israël doit perdre sa centralité. Comme disent les orthodoxes, comme le pensent beaucoup de juifs en Diaspora, on peut être juif, sans Israël. « Et de sortir de sa poche une kippa noire en enlevant la kippa aux couleurs orange et verte.

Rami : « Tu vas quand même un peu loin. Au lieu de tout briser, nous devons nous poser des questions.  Pourquoi notre combat a t-il échoué, pourquoi n’avons nous pas réussi à convaincre le public et les leaders politiques.

 Nissim : « Depuis la création de l’Etat d’Israël, nous avons vécu comme dans un ghetto au sein de la société israélienne. Des écoles séparées, un mouvement de jeunesse, des quartiers d’habitation à nous, et surtout une appropriation du « grand Israël « , comme si vivre à Ariel ou dans le Goush Katif était plus sioniste que de travailler à Tel-Aviv ou de cultiver la terre du Néguev. «