Pourquoi les coquelicots du Néguev sont-ils de plus en plus rouges ?

 

 

Comme chaque année, le Néguev occidental est coloré de rouge. J’avais déjà publié un post l’année dernière sur le désert d’Israël couvert de coquelicots. Mais une question qui étonnait les visiteurs qui viennent chaque année, par milliers admirer ce spectacle éphémére – une à deux semaines par an – restait sans réponse : Pourquoi les coquelicots du Néguev sont-ils de plus en plus rouges ?

Une étude – très sérieuse – menée conjointement par l’Université Ben Gourion de Beersheva et la faculté d’agronomie de Rehovot a découvert le secret : ces dernières années les troupeaux de bovins, des fermes israéliennes et des bédouins, sont de plus en plus nombreux à pâturer dans les étendues du Néguev. Les troupeaux ne s’approchent pas des coquelicots, toxiques, mais broutent  à plaisir toutes les autres herbes.

Les coquelicots, ne sont plus ombragés, sont de plus en plus exposés au soleil. Résultat, les coquelicots du Néguev sont chaque année de plus en plus rouge…

La bédouine face à l’Islam

Mars 2009

La femme bédouine est  menacée par la montée très nette du  mouvement islamique chez les Bédouins. Musulmans, les Bédouins ont une conception peu rigoureuse de la pratique  religieuse. Depuis quelques années, le mouvement islamique a de plus en plus de prise sur  la société bédouine en voie de  sédentarisation. Les velléités identitaires des Bédouins, influencés par la proximité avec Gaza,  favorisent la pénétration de l’Islam notamment au sein des jeunes générations

Symbole de cette importance grandissante, la construction de la Mosquée à Raat. Sa construction a nécessité des investissements considérables alors que cette ville où la population de moins de 20 ans est majoritaire n’a presque pas d’infrastructures pour les jeunes.

Les imams prêchent quotidiennement contre la déstabilisation de la société traditionnelle, appellent au respect de la hiérarchie traditionnelle et critiquent sans cesse l’érosion du pouvoir traditionnel des hommes sur les femmes.

 

 

Sabras, Russes et Bédouins, même combat

Loin du centre du pays, des hommes et des femmes que tout sépare ont opté pour une stratégie de solidarité.  Ce groupe hétérogène de sabras, Bédouins et immigrants de Russie et d’Ethiopie tente ensemble de défendre leurs intérêts auprès des autorités.

La famille de Lina Abecassis a immigré du Maroc dans les années 60, Ali Abou Rabia habite dans un des villages bédouins illégaux au Sud de Beersheba, Tania Melamed a immigré de Russie et Itshik Zaneba d’Ethiopie. Ils ont ensemble créé un groupe militant pour les droits sociaux des habitants du Néguev.

 «  Nous sommes les délaissés des délaissés, la couche la plus pauvre des pauvres d’Israël. Notre quotidien est semblable à celui des années 50. Nous n’avons droit ni à la santé, ni à l’habitat, ni à l’éducation. Pour lutter nous mettons de coté nos différences d’origine et de religion. »Dans le quartier Daleth de Beersheba, une des zones les plus pauvres d’Israël, ce groupe tente d’introduire un nouvel espoir avec comme slogan,’ Unis nous pouvons gagner. Stop à la politique d’abandon dont est victime le Néguev‘ . Ce groupe a réussi à mettre en place deux projet: une chaîne d’artisanats qui commercialise des textiles tissés par les bédouins et les juifs éthiopiens et un réseau de soutien scolaire pour les enfants juifs et bédouins défavorisés. 

 

L’Université Ben Gourion a décidé de s’impliquer dans ce combat. Etrange à première vue cette coopération entre le second Israël, sépharade, arabe, pauvre et l’Université, fief des élites. L’Université a initié les premiers contacts et utilisé ses moyens et ses relations pour aider le groupe à obtenir gain de cause.

Le piège de la modernité

Mars 2009

L’échec du processus de sédentarisation, a des effets dramatiques sur le statut de la femme bédouine. L’intégration de la société bédouine à la société israélienne est marginale. Economiquement, la population bédouine est parmi la plus pauvre d’Israël. Les valeurs, les carcans n’ont pas changé.  

Car la sédentarisation s’est faite sans développement réel. L’accès à la modernité ne s’est pas accompagné de changement au sein de la société bédouine, les structures mentales n’ont pas changé. 

A titre d’exemple, l’accès à la médecine moderne au lieu de permettre un contrôle des naissances a entraîné une hausse vertigineuse du taux de natalité. La femme bédouine met au monde en moyenne dix enfants, un des taux de natalité les plus élevés du monde. La population bédouine double tous les dix ans.

La femme bédouine, face à la polygamie, continue à mettre des enfants jusqu’à  40 et parfois 50 ans, pour ne pas être “détrônée”  par la nouvelle femme de son mari. Au lieu de profiter de la médecine pour prendre le contrôle de son corps, la femme bédouine est restée prisonnière des carcans d’antan.

La femme triste

Février 2009

Quelques chiffres et la philosophie de ces chiffres. La révolution n’en est qu’à ses débuts. Pour les filles, la sédentarisation ne s’est pas accompagnée d’un changement fondamental sur le plan de l’éducation. L’enseignement s’est généralisé mais l’accès des filles à l’école reste encore très lent

  •  Chez la population bédouine, 60 % des filles quittent le système scolaire avant le bac
  • Ce taux est de 10 % au sein de la population juive et de 40 % dans le reste du secteur arabe.
  • Au sein de la population bédouine, il y a deux universitaires  pour mille habitants alors que le taux au niveau national est de 80 pour 1000.
  • Il y a moins de 200 étudiants bédouins en doctorat dans les universités dont huit femmes seulement.

  Et encore une étude que l’on vient de me transmettre

 Les chercheurs ont découvert un taux élevé de phénomène de dépression de la femme, qui s’explique par l’incapacité d’être maître de son destin et l’impression qu’elle ne pourra pas changer l’ordre des choses et la précipite dans un état  dépressif qui aggrave encore ses relations avec le clan comme un cercle vicieux. Les phénomènes dépressifs sont d’autant plus courants chez la femme, objet de sévices physiques. La femme bédouine, avec une considération personnelle très érodée est donc aussi menacée par elle même. 

Femme de nomade

 

 

Janvier 2009.

La plupart des femmes bédouines que j’ai rencontrées m’ont expliqué que leur vie se divise en trois cycles. Jusqu’à son mariage, son statut est marginal. Son rôle est d’aider sa mère, de participer aux tâches ménagères et au gardiennage des troupeaux.

Après son mariage, son statut dépend désormais du nombre d’enfants qu’elle met au monde et surtout s’il s’agit de garçons. Une femme qui ne met au monde que des filles est peu respectée au sein de la société bédouine.

Passée l’âge de l’enfantement, le statut de la femme bédouine dépend du nombre de garçons qu’elle a mis au monde. Des garçons  lui permettent d’asseoir son pouvoir, d’avoir sous son autorité ses belles-filles.

La femme dans ses tentes

Le nomadisme a aussi offert à la femme, au delà du carcan patriarcal, un espace naturel de liberté. Ce mode de vie ancestral qui a été celui de  l’humanité depuis la nuit des temps, était au fond un mode de vie très féministe. ” L’horreur du domicile ” dont parlait Baudelaire, la vision biblique très romantique de la femme dans ses tentes, profitant des espaces, du rythme lent des jours pour vivre son monde à elle, dans son for intérieur, jouissant d’une relative liberté, une vie presque volontaire, espiègle, profitant du masque facial pour se réfugier et vivre son monde est  l’autre face de la vie de la femme bédouine séquestrée, respectant les lois islamiques de la Charia et vivant sous l’autorité sans appel de son père, puis de son mari et de sa belle-mère.

La femme, propriété de l’homme

La société bédouine d’aujourd’hui reste dominée par l’homme. Les  structures et tabous ancestraux persistent. Le statut de la femme bédouine a peu changé. Elle reste la propriété de l’homme, continue à dépendre de son bon vouloir, sans identité propre dépendant entièrement de son père puis de son mari. La femme a perdu l’espace désertique, sans accéder à la liberté.

Les hommes continuent à être les gardiens des femmes, les contraignant à l’obéissance, les empêchant de se marier, de se vêtir, de travailler comme elles le souhaitent. Comme avant 1948, la femme bédouine n’a pas le même statut que l’homme, ostensiblement inférieure à l’homme. Pas plus appréciée que les chameaux, dit un vieux proverbe bédouin, les choses n’ont pas fondamentalement changé.  Si la coutume de tuer les filles à la naissance a évidemment disparu, la naissance d’une fille, est toujours accueillie avec réserve. Le statut de la mère se juge au nombre de garçons qu’elle a mis au monde. Une femme qui a mis au monde des filles ne pourra jamais aspirer à être réellement respectée.

40 % des familles bédouines sont polygames

Dans la majorité des mariages, la volonté de la femme ne compte en aucune manière dans le choix de son futur époux, que choisit  son père ou son frère, le mariage est presque un achat, l’épouse  fait partie du patrimoine aux même titre que les autres biens, et comme dans l’Islam, l’homme peut répudier sa femme comme bon lui semble.  Bien qu’interdite la polygamie et fréquente et concerne plus de 40 % des familles.

La polygamie favorise le taux de natalité

La polygamie et la concurrence entre femmes ont comme conséquence une augmentation du taux de natalité, les femmes rivalisant dans le nombre d’enfants mis au monde, seul moyen d’accéder au respect.  Le nombre d’enfants d’une femme d’une famille polygame est 25 % plus élevé que dans une famille monogame.

La ségrégation des sexes, l’allégeance exclusive au chef mâle du foyer, la  préférence pour les garçons à la naissance,  l’excision(certes en très nette régression), les mariages précoces, l’absence de consentement au mariage,  la polygamie, les lois du divorce, l’importance de la dot,  l’obéissance obligée au père d’abord au mari ensuite, la quasi légalité des crimes d’honneur restent donc des réalités de la quotidienneté de la femme bédouine, malgré le côtoiement quotidien avec la modernité.

La femme bédouine

Dans le cadre des recherches  que je mène  sur les femmes d’Israël, j’ai rencontré plusieurs femmes bédouines. Sous des tentes, dans des cafétérias d’université, des femmes voilées et d’autres en jeans. Voici dans ces pages, un regard sur les moments passés avec ces femmes partagées entre la tentation de la modernité et le respect de la tradition.

 

 200.000 Bédouins vivent  aujourd’hui en Israël, 90.000 femmes et 100.000 hommes. 160.000 dans le Néguev, 40.000 en Galilée, au Nord d’Israël. Venus de la péninsule arabique et d’Afrique du Nord, les bédouins vivent dans le Néguev depuis le Ve siècle. Gardien  des  valeurs arabes ancestrales,  fascinant les générations d’hier et d’aujourd’hui, tour à tour poète, contemplatif, guerrier, éleveur, agriculteur,  le bédouin est avant tout nomade, nomade sur ces terres, nomade dans l’âme.”  écrit un des historiens du monde bédouin.

Un nomadisme qui a profondément marqué les relations entre l’homme et la femme. Dans les étendues désertiques, les chaleurs torrides de l’été, le froid glacial des nuits d’hiver, la lutte pour  la terre, l’obligation de vivre en milieu hostile, la tribu ancestrale est le clan protecteur. La femme vaque aux travaux domestiques,  participe au  gardiennage des troupeaux, l’homme pourvoient aux besoins matériels et les enfants commencent à surveiller les troupeaux dès leur plus jeune âge.

Le clan patriarcal, valeur suprême car garanti de survie doit être préservé, les femmes doivent mettre au monde des enfants, la polygamie est donc une bénédiction  et la fidélité à l’homme, au patriarche, au père, à l’époux,  valeur sacrée auquel la femme doit se soumettre sans compromis, au risque même de sa propre vie si le moindre doute existe sur cette fidélité, philosophie qui permet à certains crimes d’être dénommés d’une manière terrible, crimes d’honneur.

La féminité et la sexualité sont l’affaire du clan et non la propriété personnelle de la femme.  D’où les règles de conduite imposées à la femme. Même lorsque la femme est victime de sévices sexuelles elle est considérée comme coupable d’avoir été l’occasion de déranger l’ordre social. Une jeune fille victime de viol ou d’inceste est bannie du clan. Cette tendance à cacher la réalité, au nom du respect du clan, perpétue la violence sexuelle.

Une femme bédouine sur deux est victime de violence. La violence est plus importante chez les bédouins sédentarisés, sans qu’il soit clair si la violence est plus répandue ou si la médiatisation du sujet, plus accessible aux femmes des villes, joue à la hausse des statistiques.