Après une attente et une souffrance terrible, trois femmes, S. de Téhéran, M. de Paris et A. de New York ont eu leur guet cette semaine au Beit Din de Tel Aviv et de Netanya



Le Blog de Katy-Clara Bisraor Ayache
Après une attente et une souffrance terrible, trois femmes, S. de Téhéran, M. de Paris et A. de New York ont eu leur guet cette semaine au Beit Din de Tel Aviv et de Netanya
J’ai rencontré Serge Hajdenberg, pour la première fois à Jérusalem au début des années 80. C’était quelques mois après les premières diffusions de Radio J à Paris. “A Radio J, nous défendrons d’abord et avant tout Israël “disait-il. C’est ainsi qu’est né “le direct de Jérusalem”, que j’ai présenté pendant presque quatre décennies. Ce direct était son idée. Bien plus que le choix d’un format d’information, entendre tous les jours en direct la voix d’Israël avait pour Serge un message. Israël devait être au cœur de l’identité de la communauté juive de France.
Serge voulait raconter Israël, tout Israël, Israël authentique, dans sa diversité et dans sa pluralité. Au cours des centaines et centaines de discussions que nous avons tenues au fil des années sur la ligne éditoriale, Serge n’a jamais voulu rien censurer, persuadé que tout raconter était le meilleur moyen de défendre et de faire comprendre Israël.
Serge, fait partie de cette génération de militants pour qui Israël et le peuple juif était une vraie histoire d’amour. Etre engagé auprès d’Israël, c’était son essence même.
Il y a quelques années, Serge m’appelle et me dit ” ça y est, je l’ai !”. C’était sa “téoudat zehout“, sa carte d’identité israélienne. ” Mais Serge, tu es déjà israélien depuis longtemps, tes filles et tes petits enfants habitent ici, en Israël.” ” Exact me répond-il, mais être soi-même israélien c’est un accomplissement, une implication, une vraie…”
Serge haïssait l’hypocrisie, abhorrer la déloyauté et mépriser la fourberie. Le terrain des artifices, du leurre, du mensonge, de la fausseté n’était pas le sien. Ce purisme était sa force.
Lorsqu’au printemps 2018, Serge a dû céder Radio J il m’a confié ” je ne suis pas sûr que Radio J pourra rester la radio militante et engagée que nous avions créée, les temps et les hommes ont changé.”
Shalom Serge, mon patron bien aimé, mon ami.
Katy Bisraor Ayache
Loin du regard des médias, s’est déroulée ces derniers jours une affaire de guet sur trois continents, impliquant des dirigeants israéliens, éthiopiens et américains, des sommités rabbiniques et le Mossad, une affaire digne d’un roman d’espionnage.
Sarah (nom d’emprunt) de la communauté éthiopienne vit en Israël avec son mari et ses enfants. Il y a deux ans, sans prévenir, son époux disparait, laissant en Israël, une jeune femme aguna, seul avec ses enfants. Après plusieurs mois d’enquête, avec l’aide de l’ambassade d’Israël en Ethiopie et du Mossad, le département des agunot du Tribunal rabbinique de Jérusalem découvre que l’époux est retourné en Ethiopie. L’époux promet de donner le guet et le directeur du département, le rav Eliahou Maïmon, envoie immédiatement en Ethiopie, le rabbin Alon Nagussa, spécialiste de la communauté éthiopienne.
Une fois arrivé en Ethiopie, le rav Nagussa découvre que l’époux a disparu et contrairement à ses promesses n’est pas venu au rendez-vous pour remettre le guet à sa femme. De nouveau, les affaires étrangères et le Mossad, après un accord du Premier ministre Netanyaou se mettent à la recherche de l’époux récalcitrant. Après des mois de recherche, le mari est repéré il y a quelques semaines au Nord de l’Ethiopie. Mais dans cette région du Tigré, des combats violents et sanglants opposent l’armée éthiopienne avec le Front de libération du peuple du Tigré. Envoyer un rabbin et procéder à une remise de guet dans la région est risqué et techniquement impossible. L’inexistence de télécommunications ne permet pas un contact avec Israël nécessaire pour la remise du guet.
Le rav Maimon envoie un émissaire pour convaincre le mari de donner le guet et de se rendre avec lui plus au sud de l’Ethiopie. Une opération risquée est organisée par les services de la sécurité israélienne. Les deux hommes marchent à pied pendant près de deux jours dans les zones de combat avant d’être pris en charge par une jeep, qui les conduit sains et saufs, dans un hôtel de la capitale d Gondar, puis dans la capitale d’Addis Abbeba.
L’épouse est dépêchée au Beit Din de Tel-Aviv, et la cérémonie du guet a eu lieu la semaine dernière par conférence vidéo. Après deux ans Sarah a retrouvé sa liberté.
Quel est le prix que les services de la sécurité israélienne ont dû payer pour mener à bien cette opération risquée. Silence total des autorités. La liberté d’une femme a un prix que l’Etat d’Israël a accepté de payer.
וַתִּכְתֹּב אֶסְתֵּר הַמַּלְכָּה בַת אֲבִיחַיִל וּמָרְדֳּכַי הַיְּהוּדִי אֶת כָּל תֹּקֶף לְקַיֵּם אֵת אִגֶּרֶת הַפּוּרִים הַזֹּאת הַשֵּׁנִית
מגילה ט, כט.
Pour ne pas faire durer le suspense, je vous donne la réponse d’emblée, une Méguila de Pourim écrite de la main d’une femme est strictement cacher, selon un jugement du grand décisionnaire sépharade, le Rav Ovadia Yossef.
L’importance de la question du point de vue halachique est liée à l’obligation de lire la Méguila d’Esther non pas dans un simple livre imprimé, mais dans un parchemin écrit à la main par un scribe selon des lois très strictes d’écriture, identiques à celles de l’écriture d’un rouleau de la Thora.
Sur l’écriture d’un rouleau de Thora, le Talmud, (Guittin, 45), précise qu’un homme et non une femme doit écrire le parchemin.
Or, écrit le Rav Ovadia Yossef, les femmes ont l’obligation de lire ou d’écouter la Méguila d’Esther, le miracle de Pourim est celui d’une femme et donc “nous devons poser la question si la Méguila peut être écrite de la main d’une femme. “
La question a été posée maintes fois par les sages. Le Hida et d’autres sages ont déjà écrit qu’une Méguila écrite par une femme était strictement cacher.
Le Rav David Oppenheim a donné une explication à partir du texte même de la Méguila : ” Dans le texte de la Méguila, il est écrit La reine Esther, fille d’Avihail écrivit) Méguila d’Esther, 9, 29). ” C’est à partir de ces termes, que le Talmud, (Méguila, 19) a décrété que la Méguila, comme les rouleaux de la Thora, devait être écrite sur un parchemin, avec de l’encre et un porte-plume, et comment imaginer que la première Méguila écrite par Esther ne serait pas cacher !
En d’autres termes, si la Reine Esther a écrit la Méguila,il y a quelques 2500 ans, les femmes juives de génération en génération, peuvent elles aussi, apprendre les règles de la calligraphie hébraïque et écrire la Méguila d’Esther.
Il y a quelques mois Aviad Moshé tente d’assassiner sa femme. Grièvement blessée avec des blessures encore visibles sur toutes les parties de son corps et de son visage, Shira Isakov entre la vie et la mort, lutte pendant plusieurs jours. Les médecins réussissent à sauver sa vie. La jeune femme subit plusieurs opérations chirurgicales, notamment des opérations esthétiques et dentaires.
Sortie difficilement de cet enfer, Shira pensait que sa demande de divorce serait une procédure formelle. Aviad Moshé avait d’autres plans. Amené de la prison devant le Beit Din de Haifa il déclare qu’il n’a pas l’intention de donner le guet à sa femme. En d’autres termes, ” j’ai tenté d’assassiner ma femme, je n’y suis pas arrivé, elle restera donc lié à moi à jamais ” !!
Alerté, le Rav Eliyahu Maimon, directeur du département des agunot du Tribunal Rabbinique, classe immédiatement le dossier comme un dossier d’igoun de refus de guet, bien qu’un laps de temps de quelques jours à peine s’est écoulé depuis l’ouverture du dossier de divorce.
Le juge rabbinique du Tribunal de Haïfa, le rav Edry décide d’envoyer le mari réfractaire au cachot et décide d’une nouvelle audience dans les quatre jours.
Une semaine plus tard, Aviad Moshé n’a pas changé d’avis. Il demande que le Tribunal tranche d’abord sur la répartition du patrimoine et sur la garde de l’enfant ! Le juge est catégorique : ” Ces questions seront jugées ultérieurement, aujourd’hui Shira doit recevoir son guet. ” L’alternative le cachot pour de longs mois ou le guet aujourd’hui.
En moins d’une heure, Aviad Moshé cède et demande la permission de lire une lettre d’excuse à Shira, pour l’avoir pendant tant d’années menacé, humilié, bafoué, violenté. Que valent ces excuses après qu’un homme ait poignardé sauvagement sa femme.
Lors de la remise du guet, l’homme et la femme doivent être face à face. Shira n’a pas caché sa crainte de se retrouver même quelques minutes face à un homme qui pouvait de nouveau l’agresser.
Deux vigiles des services pénitenciers étaient certes là, mais le juge rabbinique s’est placé aux cotés de Shira, comme prêt à intervenir au cas où.
Pour le Rav Maimon, ” dès le moment où cette affaire nous est parvenue, en raison des circonstances, elle a été immédiatement définie comme une affaire d’igoun. Je ne me souviens pas d’une situation aussi tragique devant une cour rabbinique. “
Shira a été sauvée, grâce à un Beit Din, à des rabbins qui ont agi vite, avec sang-froid et avec une tolérance zéro face à des attitudes innommables d’un époux. Ce n’est pas la première fois que ce Beit Din de Haifa, fait fi des règles, raccourci les processus pour sauver une femme. J’ai eu personnellement le cas de trois femmes que nous avons réussi à sauver en quelques jours grâce à la détermination du Rav Edry.
Le Rav Edry n’est pas un cas isolé. Depuis quelques années, de plus en en plus de juges rabbiniques, lorsqu’ils comprennent qu’il y a une exploitation éhontée de la situation, sont sans merci face à un mari récalcitrant.
Mais face à ces succès, il y a aussi des échecs révoltants ; Comme celui d’une affaire qui soulève un tollé ces derniers jours en Israël, une femme ultra-orthodoxe, qui attend depuis 30 ans son guet !!sans que le Tribunal de Jérusalem saisit du dossier ne réussisse à la libérer.
L’époux “agoun” face à une épouse qui refuse de recevoir son guet est un sujet dont on parle beaucoup moins que le drame de la femme agouna.
Le cas d’un mari “agoun”, est certes bien moins grave dans ses conséquences. Alors qu’une femme agouna, ( son mari refuse de lui donner son guet ) n’a aucune issue, le mari “agoun”, ( sa femme refusant de recevoir le guet), a du point de vue de la halakha plusieurs possibilités de continuer sa vie, y compris celle de se remarier (bien que l’autorisation d’un second mariage soit compliquée à obtenir). S’il a un enfant avec une autre femme, cet enfant sera légitime alors que dans le cas d’une femme sans guet, cet enfant sera “mamzer”, batard.
Tout en étant beaucoup moins dramatique pour le conjoint, l’attitude d’une femme qui refuse de recevoir son guet, est tout aussi reprochable. Comme pour la agouna, il y a là une exploitation inacceptable de la Loi juive. Ce que nous disons pour défendre la femme agouna, doit aussi être dit pour l’homme agoun. Lorsqu’il n’y a plus de chance de “shalom bait”, de vie maritale, le guet doit être donné immédiatement par l’époux et doit être reçu immédiatement par l’épouse.
Grâce à une décision d’une importance majeure pour le droit de la femme, décision datant d’un millier d’années, décrétée par Rabbenou Guershom, Meor Hagolah, (c. 960 -1040), un des premiers et des plus importants décisionnaires halachiques du monde ashkénaze, le divorce juif, le guet ne peut plus être donné par l’homme sans le consentement de l’épouse. L’épouse doit accepter le guet et le recevoir directement ou par un émissaire nommé par un Beit Din.
Le phénomène de femmes qui refusent de recevoir leur guet n’est pas rare. Selon les données des Tribunaux rabbiniques, il serait même plus important numériquement que le nombre de maris refusant de donner le guet à leur femme.
Cette semaine, la Cour Suprême saisi en appel par l’épouse qui refusait de recevoir son guet a tranché et donné raison à l’époux. Pour la Présidente de la Cour, la Juge Esther Hayout, le chantage de l’épouse est condamnable et la Haute Cour a donné raison au Tribunal rabbinique qui avait condamné la femme a une amende journalière de 150 shekels, puis de 220 shekels tant qu’elle refusera de recevoir son guet que l’époux a déjà déposé devant le Beit Din.
Le couple qui s’est marié il y a trois ans, s’est séparé après quelques jours de mariage. L’époux sous le conseil du Beit Din a accepté de transmettre à l’épouse les cadeaux du mariage pour une valeur de 60.000 shekels. Mais l’épouse continue depuis trois ans a refusé le divorce.
Dans le même dossier, La Haute Cour a par contre rejeté la décision du Beit Din de réduire la valeur de la Ketouba de l’épouse de 500 shekels par jour, tant que le refus de recevoir le guet se poursuivrait et permet ainsi à la femme de demander sa kétouba dans son intégralité, une fois qu’elle aura accepté de recevoir le guet.
Après 14 ans !!! d’attente Vicky Tzur a reçu son guet ce matin au Beit Din de Netanya.
L’histoire débute à la fin de l’année 2006. Le mari de Vicky décide de divorcer. Quelques mois plus tard, il quitte Israël, abandonne sa femme et ses quatre enfants et s’installe en Argentine. Les premières années, Vicky espère que la crise est temporaire. Les années passent. En 2013, Vicky comprend que son mari a refait sa vie en Argentine et qu’il refuse de lui donner son guet.
Le Département des Agunot du Tribunal rabbinique d’Israël se saisit du dossier en 2016. Depuis lors des négociations sont menées avec le mari par l’intermédiaire du rabbinat d’Argentine et du Grand Rabbin Gabriel Davidovitch. Vicky céde sur presque tout. En vain. Nous tentons presque tout, mais à chaque concession de Vicky, l’époux à une nouvelle exigence, parfois très technique et sans importance, parfois une exigence financière, et les mois passent, sans que nous arrivions à mener une négociation sérieuse. Après avoir pendant des années dit clairement non, il choisit une nouvelle tactique et fait trainer le processus. Des accords sont échangés. Mais rien n’avance. “Katy me dit Vicky, vraiment je ne comprends pas comment cela peut être possible. On ne peut rien faire ? Lui continue sa vie, et moi…”. La révolte de Vicky semble sans issue.
En novembre 2019, avec l’aide de l’organisation Yad laisha, une procédure contre l’époux pour dommage et intérêt débute. La Cour de Justice après plusieurs mois de procédure donne gain de cause à Vicky et impose une amende de 720.000 shekels à son époux. Mais, toujours en Argentine, il continue à refuser, malgré les pressions presque quotidiennes du rabbinat d’Argentine.
Le dénouement se produit, il y a une quinzaine de jours, en pleine crise de Corona, le Rav Davidovitch réussit à convaincre l’époux. Une autorisation spéciale est donnée pour pouvoir sortir malgré le confinement très sévère imposé à Buenos Aires. La semaine dernière l’époux a remis le guet au Rabbinat d’Argentine et vendredi, le guet, le guet-shlihout est arrivé en Israël. ” Vicky a retrouvé sa liberté après 14 ans de cauchemar.
Ce nouveau combat montre que même lorsque l’époux récalcitrant se trouve à l’étranger, la justice israélienne peut agir et réussir. Certes, le combat a été long, ardu, douloureux. Mais aujourd’hui Vicky est libre.
Cette semaine, au Tribunal rabbinique de Tel-Aviv, quatre femmes, deux de Paris, une de Strasbourg et l’autre de New York, ont été libérées.
Elles ont obtenu leur gett, après un combat âpre.
Six ans, quatre ans, 24 mois et 18 mois de souffrance.
Quatre histoires de femmes courageuses qui ont choisi de se battre, de lutter pour leur dignité, leur liberté, leur droit d’être une femme maître de son destin.
Les quatre époux, homme d’affaires, avocat, médecin, influents dans la communauté juive étaient persuadés d’être dans leur bon droit.
L’un d’entre eux est d’ailleurs un des 84 hommes signataires de la pétition de la Wizo pour les agunot !
Il nous a expliqué que ” sa femme à lui, n’était pas une aguna, et pourquoi le fait qu’il n’avait pas donné le guet à sa femme, deux ans après leur séparation, était légitime.”
C’est dire l’ignorance et l’embrouillamini.
” Nous avons un différend sur la répartition du patrimoine.”
” Je ne lui donnerais le gett, qu’après le divorce civil.”
” Elle m’a trompé, alors je ne lui donnerai pas son guet”.
” Je veux la garde des enfants. Donc pas de guet, tant qu’elle ne cédera pas. “
Ces arguments des époux récalcitrants nécessitent quelques éléments de réponse.
Le guet ne peut pas être utilisé comme levier de pression et comme monnaie d’échange dans un conflit sur le patrimoine.
Le guet n’est pas un moyen de punition dans les mains de l’homme parce que sa femme l’a trompé.
Le guet doit être donné sans rapport avec le divorce civil. En France, si une loi exige la tenue d’un mariage civil avant le mariage religieux, Il n’y a pas de loi identique sur le divorce. Par souci, trop strict du respect de “dina demalkhouta dina” , les Tribunaux rabbiniques français ont établi une règle, qu’il faut changer si l’on veut mettre fin au “guet-chantage” et au “guet-racket”. Le lien avec le divorce civil est devenu un moyen pour nombre de maris d’extorquer de l’argent, des droits, des avantages.
Donner le guet à sa femme est une mitzva, un commandement biblique. (Dvarim, Deutéronome,24)
Certes, nous dit le cinquième Livre de la Torah, l’homme doit donner le guet de son plein gré, mais il n’est pas écrit que le guet est négociable. Détourner le sens de cette mitzva est une enfreinte grave à la Loi juive.
Les arguments utilisés par ces époux montrent l’urgence d’une clarté dans les messages des dirigeants religieux et communautaires. Le message doit être intelligible et clair.
Je rappelle la position du Rav Shlomo Stassman, un des juges rabbiniques les plus importants et influents d’Israël : “Lorsqu’il n’y a plus de chance de “shalom bait”, de paix dans le foyer, le guet doit être donné immédiatement.”
Je vous mets souvent au courant d’histoires à succès, de femmes agunot que nous avons réussi à sauver. Et en effet des dizaines et dizaines de femmes ont pu retrouver leur liberté ces derniers mois; Malheureusement, nous avons aussi des histoires nombreuses et dramatiques, sans issue. Ces jours difficiles du mois juif d’Av je partage avec vous, une de ces histoires pour faire entendre la voix de celles qui vivent derrière des barreaux d’acier.
Elle s’appelle Haya (nom d’emprunt). Elle a 28 ans, vit dans un des quartiers orthodoxes de New York avec ses deux filles de 10 et 11 ans, sans espoir de vivre librement. Mariée sans l’être, interdite à tout homme, seule face à son destin.
L’histoire débute il y a douze ans. Ses parents sont en Israël pour quelques mois et réside dans un des quartiers orthodoxes de Jérusalem. Elle a alors 14 ans. Près de leur maison, un homme de 12 ans son ainé, Yaacov, (nom d’emprunt) s’éprend d’elle. Et lorsque la famille revient à New York, Yaacov s’installe lui aussi à New York et réussit à convaincre la jeune fille et sa famille. “Haya est la femme de ma vie”. Elle a 16 ans, il a 30 ans. Au bout de quelques mois, le roman d’amour tourne au cauchemar, violences physiques et morales de plus en plus graves. Le couple se sépare. Haya a 18 ans. Débute alors ce que Haya nomme la “descente aux enfers”. Le divorce civil traine devant plusieurs tribunaux de New York en raison d’appel et contre appels de l’époux. Il ne sera prononcé qu’en 2017, après dix ans de procédure !
Pour le divorce religieux, les choses se compliquent chaque jour. Devant plusieurs Beit Din de Brooklyn, l’époux annonce ouvertement qu’il ne donnera jamais le gett à sa femme. En 2011, alors en vacances en Israël, il est convoqué au Beit Din de Jérusalem, mais en raison d’une erreur grave du dayan d’alors il promet de donner le gett à New York, ce qu’il ne fera évidemment jamais après avoir réussi à quitter Israël en échange d’une caution.
Avec le Beit Din de Tel Aviv nous avons mené de multiples tentatives : pression sur la famille de l’époux, famille connue de rabbins du quartier orthodoxe de Beit Vegan à Jérusalem, des heures de négociations y compris nocturnes entre les juges rabbiniques et l’époux, réfugié entre temps à Los Angeles, pressions financières de toutes sortes, y compris sur ses biens en Israël. Mais rien n’y fait; le scénario cauchemardesque se répète à plusieurs reprises: après des mois de refus ou de silence, ouverture de négociations, l’épouse cède peu à peu sur tout, abandonne ses biens, ses droits à une pension alimentaire. L’époux dit oui puis quelques jours après dit non et clame qu’il ne donnera jamais le gett à sa femme qui restera sa femme à vie …
Haya a 28 ans et face à elle le néant. ” A cause de cette affaire, je ne dors pas la nuit” a dit un jour le dayan de Tel Aviv chargé du dossier. Et il n’est pas le seul.
Nous avons cette semaine réussi à libérer deux jeunes femmes d’un mariage impossible, l’une de Paris, l’autre de New-York.
Elles ont eu leur gett en Israël, après des mois de cauchemar. Deux histoires qui se ressemblent. Séparée depuis plus d’un an, sans espoir de “shalom bait”, de poursuivre une vie de couple, leur mari est convoqué à plusieurs reprises par plusieurs Beit Din locaux. L’époux “ignore” les convocations, puis promet de venir et ne vient jamais, mais continue sa vie, laissant sa jeune épouse, dans un tunnel sans fin, ni mariée, ni divorcée.
Certains rabbins et dirigeants de communautés, malheureusement jouent le jeu du mari, tentent de convaincre la femme de céder à des demandes sans fondement, et conseillent même au mari, dans le cas de New York, ” à laisser trainer l’affaire, elle finira bien par céder.”
Contrairement à cette attitude inacceptable d’un certain leadership, le Beit Din de Paris et un des Beit Din de Brooklyn, comprennent qu’ils sont face à “un chantage au gett”, ou à “un refus de gett non avoué ” de la part de l’époux et ne rien faire, risque d’imposer à une femme de moins de trente ans, une vie sans espoir.
La chance de ces deux jeunes femmes, c’est donc d’abord la mobilisation du Beit Din local, à Paris et à Brooklyn, qui ont fait une analyse juste de la situation.
C’est ensuite, la politique de ‘” tolérance zéro” face aux maris récalcitrants menée avec détermination par le Beit Din d’Israël, dans ces deux cas, le Rav et Dayan Zvadia Cohen. Avec ténacité, le Beit Din d’Israël, depuis quelques années tente d’imposer à l’ensemble des Beit Din une politique claire : une femme ne peut plus être otage. Certes, il y a encore des bavures, des cas mal gérés, des situations intolérables, mais le message majeur est celui d’une tolérance zéro.
Le mari récalcitrant de New York, n’a eu aucun problème à expliquer au dayan, ” chez nous, c’est comme cela, si elle veut son gett, elle devra d’abord accepter “, avant de présenter une longue liste d’exigences financières et liées à la garde de leur enfant.
Le Dayan du Beit Din de Tel-Aviv lui a répondu ainsi “ Jeune homme, lorsqu’il n’y a plus d’espoir pour une vie de couple, un gett se donne et se reçoit sans condition aucune. C’est la halakha.”